Huguette Reynaerts… une fille des réserves naturelles au … naturel réservé !
En 2005, Huguette Reynaerts a choisi de s’installer en Ardenne namuroise, dans le petit village de Chairière, sis à quelques clapotis de la Semois.
Huguette est originaire de Gand. Dès sa plus tendre enfance, elle est plongée dans la nature ! Avec ses parents, Liliane et Maurice, et ses sœurs Ingrid et Carine, Huguette participe en famille à la création de plusieurs réserves naturelles : Bourgoyen Ossemeersen, Assels, Kalevallei, Vinderhoutse bossen (dans la vallée de la Lys). Comme elle le fera, avec l’équipe de Natagora Semois ardennaise à la réserve Bois sous les Granges quelques décennies plus tard, Huguette et sa famille animeront à Elzenhoeve un Centre éducatif. Son papa y donnera des formations… et l’équipe féminine créera de nombreux objets artisanaux pour la petite boutique verte… L’Histoire n’est donc qu’un éternel recommencement !
En 2005, Huguette s’installe à Chairière, dans la commune de Vresse-sur-Semois. Là, elle fonde la réserve naturelle « Bois sous les Granges » qu’elle a acquise sur fonds propres avant de la céder par bail emphytéotique à Natagora. Durant les années 2008 à 2016, elle occupe la fonction de présidente de la régionale Natagora Semois ardennaise. Naturaliste chevronnée, elle dispense de nombreuses formations, effectue d’innombrables recensements au niveau de la faune et de la flore de la région de la Semois, organise de nombreux chantiers de gestion dans les réserves naturelles locales (avec les bénévoles locaux, des volontaires néerlandophones, les Compagnons bâtisseurs…), initie de nombreux achats de terrains, anime le Centre éducatif Bois sous les granges, réalise des ateliers éducatifs et créatifs pour les enfants, crée des milliers d’objets artisanaux avec le groupe Artistes et artisans du Bois sous les Granges (que l’on peut toujours rejoindre)…
Huguette, la bienveillante bergère de la réserve du Bois sous les Granges
S’il te plait, Huguette… dessine-moi quatre moutons…
Tout autour de sa charmante habitation, s’étend une zone naturelle de plus d’un hectare. Celle-ci est un havre de biodiversité. Afin de gérer le site, Huguette et l’équipe de Natagora Semois ardennaise sont épaulées par quatre paisibles moutons à la bouille craquante. Huguette nous les présente…
Huguette, pourquoi des moutons dans cette petite forêt marécageuse ?
La réserve Bois sous les granges s’étend sur une superficie d’un peu plus d’un hectare. Afin de gérer le site, le choix d’une gestion par pâturage extensif a été posé. Sur une telle surface, on pouvait y placer une vache de type Highland ou Galloway. En effet, il faut compter environ 1 hectare par tête de bétail. Mais avouons-le, ces animaux étant grégaires, il aurait été triste de laisser un individu isolé sur cet espace. Dès lors, notre choix s’est orienté sur le pâturage par des espèces ovines.
Et c’est de l’autre côté de la Manche que vous avez déniché la perle rare ?
Effectivement ! La plupart des espèces de moutons ne supportent pas des terrains aussi marécageux comme l’est la réserve Bois sous les granges. Cela étant dit, la race Herdwick – originaire du Lake District en Angleterre – est parfaitement adaptée à ce type de milieu. Les Herdwick possèdent de grosses pattes qui leur permettent de ne pas s’enfoncer dans les sols spongieux. De plus, ils disposent de poils entre les ongles, ce qui leur évite de se couper aux laiches, nombreuses dans nos marais. Nos moutons rustiques possèdent également diverses caractéristiques très intéressantes : les femelles mettent bas sans intervention humaine et l’espèce est particulièrement adaptée aux conditions météo plus délicates (intempéries, neige…). Par contre, en été, nos moutons aiment se réfugier entre les pilotis du Centre éducatif de la réserve : ils n’apprécient pas outre mesure la chaleur et … les taons.
L’expérience de pâturage de la réserve Bois sous les granges par des Herdwick est-elle une « première » en Belgique?
Non, absolument pas ! C’est d’ailleurs par des expériences précédentes menées par Natuurpunt à Gand que j’ai eu connaissance de l’efficacité de cette espèce. Les « Bergers bénévoles » de l’association gantoise (n.d.l.r. l’homologue de Natagora en Wallonie et à Bruxelles) sont allés chercher des animaux en Grande-Bretagne et actuellement, disposent d’un troupeau d’une trentaine de têtes. Certains individus paissent notamment dans les prairies humides de Latem, immortalisées par de nombreux artistes-peintres… du moins avant qu’elles n’aient disparu presque totalement sous le béton des lotissements…
A propos de cheptel, quelle est la genèse du petit troupeau du Bois sous les granges ?
Au printemps 2010, le bélier Chardon est arrivé à Chairière, accompagné de ses brebis – Aubépine et Cardamine – ainsi que les agnelles Massette et Marguerite. L’année suivante, trois autres agnelles naquirent : Dauphinelle, Digitale et Dorine. A leur naissance, les moutons Herdwick sont noirs… sauf leurs oreilles qui sont blanches. Mais avec le temps, leur laine devient de plus en plus claire. Nous avons arrêté l’élevage pour plusieurs raisons. Le site étant assez restreint, nous ne pouvions imposer à l’hectare disponible une surcharge d’individus. Chardon est ainsi retourné du côté de Gand. A la grande joie des voisins de la réserve de Chairière, car notre cher bélier était un animal impressionnant, n’ayant aucun scrupule à franchir clôtures et muret (sans s’élancer… Chardon était monté sur ressorts ! ) afin de s’offrir une petite escapade en rue – d’où le danger qu’il représentait – ou dans les potagers alentours afin de se gaver de délicieux légumes. Ce qui n’était pas de nature à lui faire des amis…
Huguette, parlez-nous de la laine de vos protégées… ?
Chaque année, les moutons sont tondus à la fin du mois de mai ou début juin. Pour cela, nous sommes attentifs à la météo : les journées de fin de printemps – donc assez chaudes – sont attendues et la tonte n’est pas réalisée en cas de pluie le jour-même. Le matin du « jour J », les moutons sont enfermés dans leur enclos. C’est une des raisons pour lesquelles ils reçoivent un peu à manger (n.d.l.r. deux poignées de granulés) à cet endroit durant toute l’année. Ainsi, ils entrent sans se méfier dans l’enclos de contention avant que nous ne fermions la barrière. Une fois la laine récupérée, nous la traitons de deux façons : le filage ou le feutrage. Dans le cas de la première méthode, on ne lave pas la laine afin qu’elle reste « grasse », ce qui permet de la filer plus aisément. Cela dit, le travail de filage débute par le cardage : il s’agit d’une étape qui permet aux poils d’être placés de façon bien parallèle. A titre d’information, la forme la plus « primitive » du filage s’effectue à l’aide d’un fuseau. Naguère, les bergères emportaient cet objet et vaquaient à cette activité pendant qu’elles surveillaient le troupeau. Une fois, l’opération de filage terminée, nous lavons les pelotes obtenues. Nous pouvons ensuite crocheter, tricoter ou tisser (n.d.l.r. les enfants aussi peuvent s’adonner à cette activité à l’aide d’un métier très simple à construire). Le feutrage est la seconde façon de traiter la laine. Dans ce cas de figure, celle-ci est lavée dans un premier temps. Une fois séchée, je pique dans la laine avec des aiguilles spéciales ce qui permet de la durcir. A noter qu’il est possible de feutrer de la laine avec de l’eau chaude et du savon, mais personnellement, je ne pratique pas cette technique.
Propos recueillis par Thierry Gridlet