Il est aisé de distinguer le mélèze des autres résineux en automne et en hiver : il est le seul résineux européen à perdre ses aiguilles lorsque les frimas s’annoncent. Il prend des couleurs de feu en octobre, passe rapidement du vert tendre au jaune flamboyant.
Impossible de le confondre avec un autre résineux en automne. Il est le seul à perdre ses aiguilles.
Comme les autres résineux qu’on peut croiser en Ardenne, les mélèzes ont été introduits dans le courant de la deuxième moitié du 19éme siècle.
Le mélèze d’Europe (Larix decidua) nous vient principalement des Alpes. Son bois est très durable, probablement le plus durable de tous les résineux européens. Dans sa région d’origine, il était prisé dans la construction et utilisé en couverture de toitures sous forme de bardeaux.
Il fut introduit en Ardenne lors des grands programmes de régénération forestière du 19 ème siècle. On l’introduit en forêt mais également dans les parcs mettant ses couleurs automnales à profit en décorant les espaces publics. Il fut assez répandu à l’époque mais se vit très attaqué par un champignon, le chancre du mélèze qui contraria son développement et sa diffusion.
Les sylviculteurs se tournèrent alors vers une autre région du monde et une autre variété de mélèze : le Japon, plus précisément l’île de Honshu. Le mélèze du Japon ( Larix leptolepis) résiste mieux aux agressions naturelles, pousse plus vite, mais présente deux inconvénients par rapport à la variété européenne : son bois est moins durable lorsqu’il est mis en œuvre et il développe de plus grosses branches, donc de plus gros nœuds sur les pièces sciées.
Là encore, pleins de ressources, les scientifiques ne tardèrent pas à mettre au point une variété croisée entre les deux origines : le mélèze hybride. C’est lui qu’on rencontre le plus fréquemment. Il fait une bonne moyenne entre ses deux parents, son bois est un peu moins durable que le mélèze d’Europe mais ses branches forment moins de gros nœuds. Et surtout, suprême qualité en production de bois, il pousse très vite.
Malgré la qualité de son bois et la rapidité de sa croissance (donc sa productivité), le mélèze n’est pas une essence très recherchée par les sylviculteurs, peut-être est-ce dû au fait que les jeunes sujets ne poussent pas très droit, il est donc difficile de bien valoriser les jeunes arbres d’éclaircies. Par contre, les grumes de bonnes dimensions qui sont dirigées vers la scierie sont appréciées pour les usages en menuiserie intérieure comme extérieure. Le cœur rouge du bois y est pour quelque-chose, il donne une belle couleur aux planches et surtout reste très durable. Il est donc conseillé en bardages ou en bois de terrasse.
Contrairement à l’épicéa, le mélèze est une essence qui a besoin de lumière pour se développer. On dit que c’est une essence « héliophile ». Les peuplements sont clairsemés, souvent éclaircis par les forestiers, ce qui permet de développement de végétation sous les arbres.
Les aiguilles du mélèze disposées en “bouquets” ou “rosettes” sur les rameaux.
L’écorce peut être très épaisse au pied des arbres âgés. Pour l’anecdote, notons que les bûcherons aiment travailler dans les mélèzes, les bois clairsemés tombent facilement et, comportant peu de branches basses, l’ébranchage est vite réalisé. Par contre, l’arbre n’est pas agréable à écorcer à la main au moyen de la « rasette », les petites aiguilles urticantes occupent le dessous de l’écorce et irritent les mains si l’ouvrier ne porte pas de gants.
“Bois sous les Granges”, la réserve naturelle de Huguette et ses moutons Herdwick | Vresse Sur Semois
Marguerite, Dorine, Digitale, Dauphinelle…
… Nous sommes ? Nous sommes ? Nous sommes ? Nous sommes ? Des moutons british de race HERDWICK.
Si vous passez un jour du côté de Chairière, près de Vresse Sur Semois… venez nous compter (cela vous permettra de mieux vous endormir le soir !), ou conter fleurette (bêêêêh oui… «marguerite», «digitale», «dauphinelle» !)…
Parole de mouton
Depuis plusieurs années, nous paissons dans la réserve naturelle Natagora dite : « Bois sous les Granges ». Notre race est très rustique et sommes les phénix des zones humides… Notre troupeau a été choisi par Huguette – notre bergère – pour participer, avec des « Volon-Terre » de votre espèce, à la gestion du site. Mais notre pâturage extensif, notre métier de tondeuse naturelle… nous l’effectuons 24 h/24h et cela, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente !
Notre domaine vital se compose d’un petit marécage initialement voué à un lotissement et d’une belle prairie arrachée à l’agriculture intensive. Cela, c’est grâce à cette sacrée volontaire dynamique de Natagora Semois ardennaise qu’est Huguette ! Elle a personnellement acheté les terrains et les a cédés sous la forme d’un bail emphytéotique à Natagora – qui leur a accordé l’en-VIE-able statut de « réserve naturelle ».
Bien sûr, de nombreuses autres espèces animales partagent notre quotidien… Et parmi elles : VOUS ! Méchoui, mais oui, vous : Grands «Bedots»* que vous êtes à saccager notre bêêêlle petite planète bleue ! Chez Natagora Semois ardennaise, ils veulent pourtant y croire ! Ils sont persuadés que l’éducation est un levier efficace pour changer le monde ! Alors, ils vous ouvrent les portes, ou plutôt les clôtures ! Et vous disent : « Bienvenue chez nous » !
Via des chemins balisés agrémentés de panneaux explicatifs et l’organisation de visites guidées, « Bois sous les Granges » permet la découverte de la faune et de la flore ardennaises. Des activités sont régulièrement organisées pour des petits groupes et le site est en permanence accessible au public. Un circuit sécurisé a été aménagé sur caillebotis et permet de profiter de cette belle zone marécageuse sans l’abîmer, ni se mouiller les pieds. Elle est pas bêêêêlle la Vie ?
*Bedot : mouton en wallon. (NDLR :ne le prenez pas mal, mais ça veut dire que les moutons qui vous qualifient ainsi vous trouvent un peu bêtas )
La Maison de la Semois ardennaise
Plus fort encore… un centre éducatif baptisé « Maison de la Semois ardennaise » – à la forme d’un séchoir à tabac – a été érigé avec des matériaux de récupération. C’est écologique, durable, solidaire et … « Peuchère »… ! De nombreuses activités y sont organisées pour et par vos pairs : conférences, formations, ateliers de bricolage nature pour enfants… et parce que vous aimez lire, décorer votre intérieur, chiner, planter… une boutique vous accueille librement les vacances et les week-ends de beau temps…
Et comme Dorine, Digitale, Dauphinelle et moi sommes des adeptes du développement durable… nous acceptons avec félicité que notre toison soit tondue, filée, tissée et vendue sur place ! Pas de made in China chez nous. Mais tout made in Chairière ! Notre laine est ainsi utilisée par nos artisans bénévoles pour réaliser de sympathiques peluches gris souris. Vraiment, nous sommes les championnes du circuit court : du producteur au consomm-acteur… en quelques centaines de mètres à peine! En plus, les prix sont à défier toute concurrence… mais chaque euro récolté permet cependant aux membres de la Régionale Semois ardennaise d’acquérir et d’entretenir de nouvelles réserves naturelles le long de la plus belle rivière du petit royaume de Belgique…
On vous attend ! Bêêêêêlle journée à vous!
Rédaction : Marguerite, Dorine, Digitale, Dauphinelle, avec l’aide de Thierry Gridlet – 2021 Photos : Thierry Gridlet
Le parcours balisé dans la réserve dure environ 45 min.
Entrée : rue Lieutenant Colas n° 46 – 5550 Chairière (Vresse-sur-Semois).
La Maison de la Semois ardennaise est située rue Saint Walfroid, également à Chairière.
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Huguette Reynaerts… une fille des réserves naturelles au … naturel réservé !
En 2005, Huguette Reynaerts a choisi de s’installer en Ardenne namuroise, dans le petit village de Chairière, sis à quelques clapotis de la Semois.
Huguette est originaire de Gand. Dès sa plus tendre enfance, elle est plongée dans la nature ! Avec ses parents, Liliane et Maurice, et ses sœurs Ingrid et Carine, Huguette participe en famille à la création de plusieurs réserves naturelles : Bourgoyen Ossemeersen, Assels, Kalevallei, Vinderhoutse bossen (dans la vallée de la Lys). Comme elle le fera, avec l’équipe de Natagora Semois ardennaise à la réserve Bois sous les Granges quelques décennies plus tard, Huguette et sa famille animeront à Elzenhoeve un Centre éducatif. Son papa y donnera des formations… et l’équipe féminine créera de nombreux objets artisanaux pour la petite boutique verte… L’Histoire n’est donc qu’un éternel recommencement !
En 2005, Huguette s’installe à Chairière, dans la commune de Vresse-sur-Semois. Là, elle fonde la réserve naturelle « Bois sous les Granges » qu’elle a acquise sur fonds propres avant de la céder par bail emphytéotique à Natagora. Durant les années 2008 à 2016, elle occupe la fonction de présidente de la régionale Natagora Semois ardennaise. Naturaliste chevronnée, elle dispense de nombreuses formations, effectue d’innombrables recensements au niveau de la faune et de la flore de la région de la Semois, organise de nombreux chantiers de gestion dans les réserves naturelles locales (avec les bénévoles locaux, des volontaires néerlandophones, les Compagnons bâtisseurs…), initie de nombreux achats de terrains, anime le Centre éducatif Bois sous les granges, réalise des ateliers éducatifs et créatifs pour les enfants, crée des milliers d’objets artisanaux avec le groupe Artistes et artisans du Bois sous les Granges (que l’on peut toujours rejoindre)…
Huguette, la bienveillante bergère de la réserve du Bois sous les Granges
S’il te plait, Huguette… dessine-moi quatre moutons…
Tout autour de sa charmante habitation, s’étend une zone naturelle de plus d’un hectare. Celle-ci est un havre de biodiversité. Afin de gérer le site, Huguette et l’équipe de Natagora Semois ardennaise sont épaulées par quatre paisibles moutons à la bouille craquante. Huguette nous les présente…
Huguette, pourquoi des moutons dans cette petite forêt marécageuse ?
La réserve Bois sous les granges s’étend sur une superficie d’un peu plus d’un hectare. Afin de gérer le site, le choix d’une gestion par pâturage extensif a été posé. Sur une telle surface, on pouvait y placer une vache de type Highland ou Galloway. En effet, il faut compter environ 1 hectare par tête de bétail. Mais avouons-le, ces animaux étant grégaires, il aurait été triste de laisser un individu isolé sur cet espace. Dès lors, notre choix s’est orienté sur le pâturage par des espèces ovines.
Et c’est de l’autre côté de la Manche que vous avez déniché la perle rare ?
Effectivement ! La plupart des espèces de moutons ne supportent pas des terrains aussi marécageux comme l’est la réserve Bois sous les granges. Cela étant dit, la race Herdwick – originaire du Lake District en Angleterre – est parfaitement adaptée à ce type de milieu. Les Herdwick possèdent de grosses pattes qui leur permettent de ne pas s’enfoncer dans les sols spongieux. De plus, ils disposent de poils entre les ongles, ce qui leur évite de se couper aux laiches, nombreuses dans nos marais. Nos moutons rustiques possèdent également diverses caractéristiques très intéressantes : les femelles mettent bas sans intervention humaine et l’espèce est particulièrement adaptée aux conditions météo plus délicates (intempéries, neige…). Par contre, en été, nos moutons aiment se réfugier entre les pilotis du Centre éducatif de la réserve : ils n’apprécient pas outre mesure la chaleur et … les taons.
L’expérience de pâturage de la réserve Bois sous les granges par des Herdwick est-elle une « première » en Belgique?
Non, absolument pas ! C’est d’ailleurs par des expériences précédentes menées par Natuurpunt à Gand que j’ai eu connaissance de l’efficacité de cette espèce. Les « Bergers bénévoles » de l’association gantoise (n.d.l.r. l’homologue de Natagora en Wallonie et à Bruxelles) sont allés chercher des animaux en Grande-Bretagne et actuellement, disposent d’un troupeau d’une trentaine de têtes. Certains individus paissent notamment dans les prairies humides de Latem, immortalisées par de nombreux artistes-peintres… du moins avant qu’elles n’aient disparu presque totalement sous le béton des lotissements…
A propos de cheptel, quelle est la genèse du petit troupeau du Bois sous les granges ?
Au printemps 2010, le bélier Chardon est arrivé à Chairière, accompagné de ses brebis – Aubépine et Cardamine – ainsi que les agnelles Massette et Marguerite. L’année suivante, trois autres agnelles naquirent : Dauphinelle, Digitale et Dorine. A leur naissance, les moutons Herdwick sont noirs… sauf leurs oreilles qui sont blanches. Mais avec le temps, leur laine devient de plus en plus claire. Nous avons arrêté l’élevage pour plusieurs raisons. Le site étant assez restreint, nous ne pouvions imposer à l’hectare disponible une surcharge d’individus. Chardon est ainsi retourné du côté de Gand. A la grande joie des voisins de la réserve de Chairière, car notre cher bélier était un animal impressionnant, n’ayant aucun scrupule à franchir clôtures et muret (sans s’élancer… Chardon était monté sur ressorts ! ) afin de s’offrir une petite escapade en rue – d’où le danger qu’il représentait – ou dans les potagers alentours afin de se gaver de délicieux légumes. Ce qui n’était pas de nature à lui faire des amis…
Huguette, parlez-nous de la laine de vos protégées… ?
Chaque année, les moutons sont tondus à la fin du mois de mai ou début juin. Pour cela, nous sommes attentifs à la météo : les journées de fin de printemps – donc assez chaudes – sont attendues et la tonte n’est pas réalisée en cas de pluie le jour-même. Le matin du « jour J », les moutons sont enfermés dans leur enclos. C’est une des raisons pour lesquelles ils reçoivent un peu à manger (n.d.l.r. deux poignées de granulés) à cet endroit durant toute l’année. Ainsi, ils entrent sans se méfier dans l’enclos de contention avant que nous ne fermions la barrière. Une fois la laine récupérée, nous la traitons de deux façons : le filage ou le feutrage. Dans le cas de la première méthode, on ne lave pas la laine afin qu’elle reste « grasse », ce qui permet de la filer plus aisément. Cela dit, le travail de filage débute par le cardage : il s’agit d’une étape qui permet aux poils d’être placés de façon bien parallèle. A titre d’information, la forme la plus “primitive” du filage s’effectue à l’aide d’un fuseau. Naguère, les bergères emportaient cet objet et vaquaient à cette activité pendant qu’elles surveillaient le troupeau. Une fois, l’opération de filage terminée, nous lavons les pelotes obtenues. Nous pouvons ensuite crocheter, tricoter ou tisser (n.d.l.r. les enfants aussi peuvent s’adonner à cette activité à l’aide d’un métier très simple à construire). Le feutrage est la seconde façon de traiter la laine. Dans ce cas de figure, celle-ci est lavée dans un premier temps. Une fois séchée, je pique dans la laine avec des aiguilles spéciales ce qui permet de la durcir. A noter qu’il est possible de feutrer de la laine avec de l’eau chaude et du savon, mais personnellement, je ne pratique pas cette technique.
Propos recueillis par Thierry Gridlet
La réserve du Bois sous les Granges
Chairière | Vresse sur Semois
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Retrouvez nos amies dans le dossier pédagogique en collaboration avec la section Semois ardennaise de Natagora
Rédigé par Thierry Gridlet et mis en page par Mathieu Gillet, le dossier pédagogique est destiné à des élèves de fin de sixième primaire ou de première année de l’enseignement secondaire. Il aborde diverses matières de géographie, de sciences, d’art plastique, de français… Une version traduite en néerlandais est prévue prochainement.
Située sur les hauteurs de la commune de Vielsalm, à une altitude de 521 mètres, la réserve des Quatre -Vents est une des rares réserves naturelles privées que compte le pays.
Créée en 1987 par un propriétaire passionné de nature, agrandie en 2013, elle couvre une surface d’un peu moins de quatre hectares.
Le sol rocheux ardennais
Le sol rocheux naturel recouvert d’une couche d’argile imperméable fait de l’endroit une lande tourbeuse comme elles sont très nombreuses en Ardenne. Les plantations d’épicéas et leur exploitation qui eurent lieu avant la restauration du cadre naturel avaient bien-entendu largement transformé le couvert ainsi que les espèces animales présentes sur l’endroit. Un certain travail de réadaptation a donc été nécessaire pour favoriser le retour des espèces végétales et animales d’origine. C’est ainsi que des petites mares ont été creusées et que très régulièrement, un entretien est nécessaire afin d’éviter que les épicéas du voisinage ne recolonisent l’endroit. La réserve étant relativement petite, les épicéas qui la ceinturent auraient tôt fait de reprendre le dessus sur la flore locale. Ces travaux sont effectués par des bénévoles de la “Trientale”, la branche locale des Cercles des Naturalistes de Belgique. L’équipe de bénévoles a pu bénéficier du soutien logistique et scientifique du projet Life Ardenne Liégeoise. Clôturé en 2020, ce projet européen visait à restaurer les habitats naturels en Haute Ardenne et en Hautes Fagnes.
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Réserve des Quatre-Vents, sorbiers et bouleaux
Les sorbiers et les bouleaux sont des arbres qui s’installent rapidement sur les parties de forêt où les épicéas ont été enlevés.
Le genévrier
Le genévrier et l’if sont les deux seuls résineux qui se trouvent à l’état naturel en Ardenne. Si les baies d’if sont un poison très violent, celles du genévrier sont appréciées par les animaux des bois. Les amateurs de gin et de genièvre connaissent également ses bienfaits. (Avec modération, of course)
Les bruyères
A la fin de l’été, le fleurissement des bruyères donne une touche de couleur.
Les moutons, des travailleurs efficaces
Les “Ardennais Roux” sont des alliés de choix pour l’entretien des réserves naturelles humides.
Mais pour faciliter le travail des hommes, la botte secrète réside dans le pâturage contrôlé de la zone humide par un troupeau de mouton. La race “Ardennais roux” a été choisie pour ses aptitudes à s’accommoder aux milieux humides. Le troupeau d’une trentaine de bêtes est adapté à la superficie de la zone et est géré, comme en agriculture de production, en fonction de la production du terrain, de la saison ou de la sécheresse. La sauvegarde de la biodiversité prime, on s’en doute sur la qualité nutritionnelle du pâturage. Les animaux sont présents du printemps à la fin de l’été.
Les attentes des gestionnaires sont rencontrées
Les résultats de la gestion sont très positifs, des espèces naturelles de libellules et de papillons se sont rapidement réinstallées. Le nombre de pieds d’orchidées sauvages est en constante augmentation. Bien-entendu, la bruyère omniprésente sur le sol acide fleurit à la fin de l’été. Le genévrier commun – qui avec l’If est le seul résineux indigène en Ardenne – fait également l’objet de soins particuliers. Ses recrus sont protégés de treillis afin que les moutons de n’y attaquent pas, les baies et les jeunes pousses sont particulièrement appétissantes pour eux.
Il va de soi que la réserve étant une propriété privée, clôturée pour la pâturage des moutons qui plus est, son accès ne peut se faire qu’avec l’autorisation du propriétaire.
Ci-dessous quelques espèces de libellules et papillons qui s’installent durablement dans la réserve. Les photos d’insectes sont de Michel Humblet – Visitez sa page Facebook
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Une mare
Quelques mares ont été creusées et se remplissent naturellement. Elle sont un lieu de prédilection pour les libellules.
Orthétrum bleuissant (Orthétrum coerulescens)
Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis)
Leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia)
le Nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris)
Aeschne des joncs (Aeschne juncea)
L’Ardennais roux
Comprenez-vous pourquoi on l’appelle l’Ardennais ROUX ?
Jusqu’à la fin du 19ème siècle en Ardenne, l’élevage du mouton était beaucoup plus répandu que l’élevage bovin. La rudesse du climat et la pauvreté du sol rocheux se montraient plus propices au pâturage des moutons qu’à l’engraissement des bovins. C’était une époque où les éleveurs travaillaient avec les races locales, non encore croisées ou sélectionnées par la science dédiée aux animaux de ferme, la zootechnie. L’Ardennais roux était présent sur tout le territoire ardennais où il s’est façonné naturellement. Son élevage a progressivement diminué au fur et à mesure que les landes ardennaises laissaient la place aux forêts de résineux pour une part et aux pâturages clôturés et de plus en plus soumis aux engrais chimiques.
Adieu berger, adieux moutons, le progrès est en marche. A la fin des années ’50, il aurait disparu complètement si quelques exemplaires n’avaient été sauvegardés en Flandre sous le nom de « Ardense Voskop ».
C’est donc au départ de la Flandre que le Roux reprend actuellement possession de sa terre natale. Comme quoi, l’Union fait la Force. Le regain d’intérêt dont il bénéficie est dû à ses aptitudes de “rusticité” comme disent les éleveurs. L’Ardennais roux ne sera certainement pas une des races les plus productives en viande, mais il s’accommode parfaitement d’un un sol pauvre, sachant se contenter d’une nourriture maigre, des ronces, des orties. De plus, il résiste très bien aux maladies et surtout aux affections des pieds dont les ovins peuvent être très sensibles sur sols humides.
Voilà pourquoi on utilise de préférence les Ardennais roux pour l’entretien des réserves naturelles ardennaises souvent implantées en milieu humide.
De tous les arbres du genre « sorbus », le sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia) est certainement un des plus présent en Ardenne(s), et certainement le plus apte à se développer dans les landes et les forêts locales. C’est un arbre un peu timide et sans prétention, il se montre discret, sauf lors des années de forte fructification ; alors, ses baies rouges éclatent en feu d’artifice aux yeux des promeneurs.
Le régal des oiseaux
Répondons immédiatement à la question principale : pourquoi « des oiseleurs ? ». En été, le sorbier se distingue par ses fruits que sont les petites baies rouges qui crèvent parfois le vert forestier ou le bleu du ciel. Ces baies qui peuvent persister jusqu’aux gelées de l’hiver ont un grand pouvoir attractif sur différentes espèces d’oiseaux, principalement à l’occasion de leurs longues migrations. Parmi ces espèces, les grives qui traversent nos régions par centaines de milliers dès septembre pour rejoindre leurs quartiers d’hiver. Dans le passé, les grives étaient très prisées par les tendeurs pour leur goût délicat au palais des gourmets. Les baies de sorbier constituaient donc l’appât idéal pour les tendeurs aux grives qui utilisaient des collets (appelés aussi des lacets) pour capturer cruellement ces oiseaux par étranglement. Comme c’est sympathique ! La tenderie aux grives est désormais interdite en Belgique mais une pratique encore plus inhumaine, la chasse à la glu, se perpétue hélas encore en France au nom de la tradition. Nous vous laissons le soin de juger le bien-fondé de l’argument. Un commerce de baies s‘était d’ailleurs développé à l’usage des tendeurs. Un commerce suffisamment florissant pour que le gouvernement prussien, qui au 19 ème siècle occupait les régions à l’est de Malmedy, encourage la plantation de sorbiers le long des routes afin de tirer un revenu de la vente des baies.
Les baies de sorbier persistent longtemps après fructification, une aubaine pour les grives. Photo de Harry Mardulyn.
Une aubaine pour les grives,… et pour les merles. “Faute de grive, on photographie des merles”, c’est bien connu – Photo de Harry Mardulyn.
… et le régal des abeilles
Le sorbier est également un arbre mellifère, il attire volontiers les abeilles et autres insectes qui participent à la pollinisation des plantes. Ces visiteurs sont bien-entendu suivis par d’autres oiseaux qui s’intéressent plus à la chasse aux insectes qu’à la consommation des baies. Par ses propriétés favorisant la biodiversité, le sorbier est remonté dans l’estime de l’administration forestière qui en a longtemps négligé la culture.
Les baies de sorbier résistent bien aux gelées hivernales
Le bois du sorbier
Le sorbier est plutôt considéré comme un grand arbuste, une hauteur de dix à quinze mètres est la hauteur de maturité. Il aime la lumière pour se développer, c’est la raison pour laquelle on le trouve souvent en lisière de parcelle forestière, dans les landes et les fagnes ou encore comme recru naturel sur les parcelles d’épicéa exploitées en mise à blanc (parcelles où tous les arbres sont abattus en une fois lorsqu’ils sont arrivés à maturité commerciale). Son bois est peu valorisé, pourtant il n’est pas dépourvu de qualités. Par sa dureté et sa compacité, avec un aubier légèrement rougeâtre et un cœur brun plus sombre il est apprécié en sculpture. Il pouvait être également utilisé pour fabriquer des engrenages et des moyeux de roues en bois, à condition de trouver des arbres d’un diamètre suffisant. Sa texture douce au toucher en fait un matériau idéal pour les outils en bois ; enfin, c’est dans la fabrication d’instruments de musique qu’il est encore souvent utilisé.
Qui a dit que les sorbiers n’étaient pas longévifs ? Voici un vieux spécimen dans la région de Lierneux. Vu son âge, il y a fort à parier que son tronc est creux
Le sorbier à la cuisine et dans la pharmacie
Si les baies de sorbier sont un régal pour les grives, les gouter crues ne nous fera pas chanter de joie comme la grive musicienne; ce n’est pas très bon. Ce n’est pas non plus un poison violent, un enfant ne courra pas grand risque à en ingérer quelques-unes, un effet laxatif apprendra aux gamins qu’il vaut mieux cueillir des myrtilles. Cependant, une ingestion en grande quantité pourrait provoquer une détresse respiratoire. Le risque est toutefois limité puisque manger les fruits n’est pas du tout agréable. Ce sont surtout les fruits des cousins du « sorbier aux grives », les cormiers et autres alisiers, qui peuvent être utilisés cuits en compotes ou marmelades, mais ce n’est pas très courant. La cuisson rend inoffensive l’action des légers poisons qui causent les effets décrits plus haut.
Baies et feuilles de sorbier des oiseleurs. Les feuilles sont dites pennées. Elles sont composées de 10-15 folioles finement dentées jusqu’à la base.
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Les peûs d’havurna, les peûs d’tchampinne
En Belgique, la tenderie spécifique aux grives est interdite depuis les années ’60. En 1993, l’interdiction de la capture s’est étendue à toutes les espèces d’oiseaux migrateurs, par quelque technique que ce soit. Jusqu’alors, la tenderie était un loisir de petites gens. Les bourgeois chassaient, les ouvriers tendaient. C’est de cette époque, celle où papa tendait le dimanche, que m’est restée dans l’oreille la formule des « peûs d’havurna », les pois de sorbier qui étaient toujours mis à sécher au grenier et utilisés pour attirer les oiseaux. Pauvres oiseaux.
La prise de conscience environnementale, les empoisonnements causés par les pesticides agricoles et les larges abus perpétrés par les braconniers ont amené à interdire la pratique. Si la tenderie officielle est devenue prohibée en Ardenne belge et dans tout le pays, le braconnage subsiste. En 2018 encore, une saisie record de 670 oiseaux eut lieu en région verviétoise. Il existe encore de véritables réseaux organisés pour écouler les prises.
Tout ça est bien loin de la tenderie de Papa ou de mon vieux voisin décédé aujourd’hui, que je voyais de temps en temps revenir discrètement du bois avec une petite besace récupérée de l’armée américaine. Que pouvait-elle bien contenir ? Une grive ou deux et un « lacet » fait de crin de cheval, certainement. Mon vieux voisin est pardonné, il était de cette génération qui cultivait un autre rapport avec la nature. Autres temps, autres mœurs. C’est différent maintenant, et c’est bien ainsi.
Il est appelé “Branzière” en Ardennes françaises et “Pêtchi” en wallon de Saint-Hubert.
François Rion – Mediardenne 2020
Sources et biblio : 2014 l’année du sorbier – SPW éditions Arbres et arbustes de nos forêts – Vedel, Lange & Luzu – Editions Fernand Nathan La flore médicale wallonne – Robert Boxus (1939) Les plantes de la Wallonie malmédienne – Abbé Joseph Bastin (1939)
Merci à Harry Mardulyn pour les corrections, les conseils et les photos.
Voir la vidéo de Harry Mardulyn et Lohan Duchâteau : Les baies d’automne.
Ce conifère familier que l’on voit partout en forêt occupe près de la moitié des surfaces forestières de l’Ardenne. On le croise principalement en Haute-Ardenne, au-dessus de 400 mètres d’altitude où il trouve un sol et un climat très propices à son développement.
Au printemps, les jeunes aiguilles donnent de très jolies couleurs aux lisières.
Si on reconnaît au chêne son appartenance à la noblesse forestière, l’épicéa incarne plutôt la classe laborieuse. Il se prête sans broncher à tous les usages. Il se laisse scier pour fabriquer du bois de charpente ou de menuiserie; très jeune, il se laisse déterrer pour porter les guirlandes et les boules de noël dans nos salons. Jeune, il se laisse découper pour se transformer en piquets, poteaux ou tuteurs. Il se laisse hacher et malaxer pour devenir pâte à papier ou panneaux de particules; et se laisse compresser pour se sacrifier au feu sous forme de pellets qui alimentent nos poêles ou nos chaudières industrielles.
Ce silencieux polyvalent pousse l’abnégation jusqu’à ne pas se plaindre lorsqu’on l’appelle “sapin”. Car l’épicéa n’est pas un sapin, il est un résineux certes, mais d’un autre genre botanique que les sapins. Les sapins vivent dans les sapinières, alors que l’épicéa forme des pessières. Il porte ses graines dans des cônes qui pendent aux branches… et puis qui tombent. Ce sont ces cônes que les enfants ramassent au bois et ramènent aux parents en disant: “voici une pomme de pin”. L’épicéa passe maintenant pour un pin, et ne se plaint toujours pas, un caractère en or cet épicéa.
Un Ardennais d’adoption
Il pousse vite, et son tronc est droit.
Disons de l’épicéa qu’il s’est très bien intégré, car en fait d’Ardennais, il ne l’est pas depuis très longtemps. L’épicéa n’est pas une essence indigène, son implantation en Ardenne date de la moitié du 19 ème siècle seulement. Son introduction fut très utile en ce temps-là pour reboiser rapidement l’Ardenne – car il pousse vite – que l’exploitation excessive des siècles précédents avait ruinée.
Avant l’utilisation du charbon, la métallurgie naissante avait vidé l’Ardenne de ses forêts exploitées pour fabriquer du charbon de bois. Les hauts-fourneaux se sont ensuite déplacés vers les bassins houillers, mais la forêt était rasée. Les mines de charbon réclamaient elles-aussi du bois en quantité, pour étançonner les galeries. L’épicéa convenait très bien à cet usage également avant d’être supplanté par le pin sylvestre. La haute-Ardenne était encore constituée de terrains dit “incultes”, les fagnes et les impressionnantes étendues de landes à bruyères considérées sans intérêt, qu’il fallait donc valoriser. L’entreprise de plantation de grande envergure prenait son envol, entraînée par la fièvre du progrès.
De belles grumes attendent le transport vers la scierie.
Mais trop, c’est trop.
L’épicéa, s’est avéré être une aubaine économique, c’est indiscutable et c’est toujours le cas. Il est apprécié des utilisateurs pour sa polyvalence, on l’a dit. Il grandit vite, c’est un avantage économique certain; et son tronc pousse particulièrement droit, ce qui facilite un sciage de qualité pour les bois d’oeuvre.
En effet, il n’ y a pas beaucoup de lumière dans cette jeune pessière.
Ses désavantages reposent plus sur la manière par laquelle il est cultivé que sur l’arbre proprement dit. Jusqu’à la fin du 20ème siècle, avant la prise de conscience environnementale, l’épicéa était planté en rangs très serrés. Les jeunes arbres, sous l’appel de la lumière et jouant sur la concurrence grandissent plus vite. Dans l’ombre, les branches basses ne se développent pas et ne forment pas de noeuds dans le tronc. Tout cela est très utile économiquement, mais le résultat donne un couvert forestier dense à travers lequel la lumière ne passe pas. Pas de lumière, pas de végétation sous les épicéas. Pas de végétation, pas de vie; pas de vie pas de biodiversité. Une parcelle d’épicéa est un désert disent les plus sévères.
Toujours soif cet épicéa
L’épicéa est encore trop souvent exploité en « Mise à blanc ». La parcelle est complètement rasée avant la replantation; ce qui expose les parcelles voisines aux vents et peut provoquer la chute des jeunes arbres : des chablis.
Grand buveur (d’eau) c’est sur les écosystèmes humides que son impact s’est montré le plus significatif. Son installation massive dans les zones humides, principalement dans les Hautes-Fagnes, a sérieusement menacé les réserves hydriques que constituent ces biotopes particuliers. Au point que cent cinquante ans après la colonisation forcée des lieux par l’épicéa, l’action humaine amène à retirer l’espèce plutôt qu’à l’entretenir. La gestion des forêts se tourne désormais vers un équilibre plus fin entre la conservation des milieux naturels et la production économique.
Quoi qu’il en soit, l’épicéa a fait son lit en Ardenne et ses hautes ramures vert-foncé resteront une caractéristique familière du paysage ardennais.
Fr. Rion / 2016
En 2 mots : Épicéa commun (Picea abies)
Une “pesse” ou “sapine”, un “spéciyâ” selon le wallon pratiqué.
Un peuplement d’épicéas s’appelle une pessière
Les aiguilles sont uniformément vertes sur les deux faces, longues de 15 à 25 mm. Les cônes pendent aux branches, ils mesurent une dizaine de centimètres.
Croissance rapide, d’une durée de vie d’au moins 200 ans en Haute-Ardenne. Il est exploité pour les scieries beaucoup plus tôt, vers 60 à 80 ans. A cet âge, la hauteur atteint près de trente mètres. Dans les Vosges, qui sont probablement le berceau des épicéas d’Ardenne (ainsi que la région des Carpathes), on trouve facilement des arbres de 50 mètres et plus.
Son enracinement est “traçant”, les racines pénètrent peu dans le sol mais s’étendent à l’horizontale à faible profondeur. Il peut donc tomber rapidement en cas de grands vents.
Bois blanc, considéré comme tendre et moyennement durable. Son bois est très souvent utilisé traité superficiellement en charpente, ou imprégné en profondeur pour les usages extérieurs. Très utilisé comme bois industriel, pour les pâtes à papier et panneaux divers, les piquets et les poteaux. Il est répandu en Europe dans les régions montagneuses, Alpes, Jura …, avec des variétés de plaine dans les pays nordiques d’où il est importé scié sous le nom de “Sapin blanc du Nord“.
Au canada, on le connaît sous le nom d’Epinette.
Saviez-vous que …
L’épicéa est le bois le plus utilisé en lutherie.
On l’appelle « bois de lutherie » ou encore « bois de résonance » lorsque les planchettes d’épicéa sont utilisées pour fabriquer les instruments à corde, les violons, violoncelles, guitares, mandolines, ukulélés, luths etc… Si l’érable est préféré pour confectionner les fonds de ces instruments, l’épicéa sert à fabriquer le corps et la tablette supérieure. Par sa légèreté et sa faible densité, il est tout à fait indiqué pour offrir la meilleure résonance aux notes composées par le musicien.
Il faut évidemment relever en forêt des troncs sans le moindre défaut physique. L’arbre doit présenter une forme conique irréprochable, il ne peut pas y avoir de tension entre les fibres du bois. Aucun nœud ne doit apparaître évidemment, ils déformeraient le son et fragiliseraient la structure très fine des pièces de bois utilisées sur les instruments.
Plus étonnant, les cernes de croissances qui, d’année en année, forment la matière ligneuse et font grossir l’arbre doivent être aussi régulières que possible. Ce qui n’est pas garanti lorsqu’on sait que la croissance des arbres est directement liée aux conditions climatiques subies par la forêt. Les sécheresses de 1976 et 2003 ont, par exemple, diminué très fortement la croissance des arbres. Ces différences de largeur des cernes peuvent elles-aussi nuire à la sonorité.
Si vous saviez déjà tout ça, soit vous êtres un génie, un violoniste ou un luthier (on peut être à la fois génie ET violoniste ET luthier), soit vous aviez déjà lu la source principale ce paragraphe dans le n° de janvier-mars 2020 de « Forêt Nature » :
La photo d’illustration provient du site web de l’Ecole Internationale De Lutherie de Marloie (Marche-en-Famenne / Belgique). Notons que les locaux de l’école présentent également une exposition permanente sur la construction des instruments du quatuor à cordes et vous emmène à la découverte d’instruments particuliers et des œuvres contemporaines du Maître luthier Gauthier Louppe.
Végétal du printemps, la floraison du rude genêt à balais parsème d’éclats jaunes plus ou moins étendus l’émeraude dominant les paysages d’Ardenne. Allons à sa rencontre.
Peut-on trouver végétal plus emblématique du printemps ardennais que le genêt à balais ? Il était naguère impensable, pour un visiteur s’en retournant vers les basses-terres, de ne point adorner la calandre de son automobile de quelques branches fleuries attestant son passage en Ardenne. La mode a passé avec celle des belles carrosseries dont les chromes rutilants faisaient la joie des petits et des grands.
Une pratique qui a disparu : décorer les pare-chocs des voitures d’un bouquet de genêts fraîchement cueilli.
Ceci dit, je ne surprendrai pas grand monde en énonçant que ledit genêt doit son qualificatif à l’intervention de ses rameaux séchés dans la confection des ramons (ou balais, en français commun) spécialisation qu’il partageait avec les ramilles de bouleau. Moins nombreux sans doute sont ceux qui conservent le souvenir des abris recouverts de genêts, qu’un art consommé de l’agencement rendait imperméables aux intempéries. Il en est encore, ça et là, mais le tour de main se perd et c’est ma foi bien regrettable.
Pour le reste, ce rude gaillard fait partie des colonisateurs-nés s’emparant allègrement des friches, essarts et autres bords de chemins auquel il apporte un son et lumière estival du meilleur aloi. Occupation des sols oblige, ces refuges deviennent moins courants et le genêt avec eux, dont le claquement des gousses fait partie des ambiances estivales au même titre que le froissement des sauterelles dans l’air brûlant chargé d’odeurs. Il atteint une hauteur de 1 à 3 mètres, rarement davantage. Le diamètre des branches maîtresses peut atteindre de 5 à 10 centimètres, elles se ramifient d’abondance et portent de petites feuilles caduques tandis que la floraison s’étend de mai à juin.
D’un jaune presque aveuglant.
Côté médicinal, on lui reconnaît depuis toujours une efficace action tonicardiaque. Cette propriété a été confirmée depuis qu’on en retire la spartéine, alcaloïde fort précieux. C’est aussi un excellent diurétique permettant l’élimination des chlorures et on en recommande l’emploi contre la goutte, les rhumatismes, l’hydropisie ainsi que dans les affections pulmonaires comme les pleurésies et la pneumonie et enfin pour élever la tension artérielle trop basse. Complet et utile, sans doute, mais à n’utiliser qu’avec précautions : la cytisine et la spartéines sont toxique pour l’homme même si le bétail s’en accommode très bien.
Il colonise volontiers les espaces déboisés. Ici, sur les hauteurs de La Gleize en montant vers Spa.
Et enfin, faut-il estimer rassurant, à l’heure où la chasse aux essences exogènes envahissantes sévit en Ardenne, de savoir que notre cher genêt à balais est considéré comme une vraie peste en Californie et en Nouvelle-Zélande ? Après tout, pour peu que l’on se penche sur les multiples disséminations végétales et animales consécutives aux croisades, par exemple, l’actuelle extension des berces du Caucase et autre balsamine de l’Himalaya n’a rien d’exceptionnel.
Patrick Germain
Le genêt et le bétail
Bien avant que les animaux d’élevage ne passent l’hiver dans des étables équipées de citerne à lisier directement sous les bêtes, la paille était rare en Ardenne. L’agriculteur offrait un peu de confort à ses bêtes avec ce qu’il trouvait sur place, les fougères, les feuilles mortes, la bruyère et le genêt. Ces plantes étaient récoltées et séchées durant la bonne saison, comme la paille ou le foin. La dureté des tiges du genêt, si c’était une qualité pour la fabrication des balais, nécessitait un traitement « assouplissant ». Les fagots de la plante étaient étalés sur les chemins et dans les ornières creusées par le passage fréquent des chariots attelés. Ainsi, les pas des bœufs, des chevaux et les lourdes roues en bois écrasaient les tiges et en faisaient une litière d’une douceur acceptable et plus absorbante.
Nos lecteurs ont bien travaillé sur la page Facebook de Mediardenne.
Odile nous rappelle qu’on se servait des fagots bien séchés pour allumer les poêles et surtout les fours à pain. Avec les tiges défibrées, on pouvait aussi tresser des cordages.
Brigitte nous parle de teinture à partir des fleurs, mais il semble qu’il s’agisse d’une autre variété de genêt: Genista tinctoria, alors que notre genêt à balais porte le nom latin de Cytisus scoparius.
Agnès se souvient que es fleurs étaient récoltées pour les petites filles qui les lançaient lors des processions aux reposoirs dans les villages à la fête du Saint Sacrement. Les rameaux séchés étaient utilisés pour nettoyer les “buses” (les tuyaux) d’évacuation des fumées des poêles à bois.
Et, plus surprenant, Philippe note qu’il était aussi utilisé, non fleuri, dans les cas de diarrhées des lapins domestiques…
Commun sur toute l’Ardenne, l’épilobe – au masculin – fait partie de ces végétaux auxquels on ne prête guère attention. Pourtant, outre le joli rosé de ses colonies au moment de la floraison, il constitue sans aucun doute l’un de nos végétaux sauvages les plus utiles.
Sa robustesse et sa jolie couleur rose, alliées à une vivacité qui requerra une grande vigilance si l’on décide de l’inviter dans un coin du jardin, en font l’une des plantes les plus répandues en Ardenne. On y rencontrera généralement l’épilobe en lisière ou dans les coupes, et les forestiers l’appellent quelquefois “plante à feu” parce qu’il – épilobe est du genre masculin – est une des premières à réapparaître sur les terres brûlées.
L’épilobe colonise rapidement les terrains incendiés, mais aussi les parcelles de bois mises à blanc.
Modeste mais point dépourvu de prestige, l’épilobe est une plante historique: en 1793, son observation permit au botaniste allemand Sprengel d’imaginer la théorie de pollinisation par les insectes, reprise et développée ensuite par Darwin. Il en existe une vingtaine d’espèces sous nos climats, auxquelles il conviendra d’ajouter bon nombre d’hybrides.
Très accommodant, on l’a vu, ce beau jeune homme au teint frais se dissémine le plus souvent en colonies, tant par l’expansion de longs rhizomes traçants que par les innombrables graines à aigrette que le vent d’automne emporte sans difficulté sur des distances parfois considérables.
La plante aurait permis de comprendre le phénomène du butinage.
Une santé dont on pourrait se plaindre si l’épilobe n’était l’un des végétaux sauvages les plus utiles, à défaut d’être de grande importance médicinale. Car si, à ce niveau, l’on se limitera à relever la forte teneur en tanins de sa racine, il n’en va pas de même pour ce qui concerne l’intérêt culinaire.
Ainsi la moelle de sa tige, une fois celle-ci épluchée, présente-t-elle une saveur sucrée dont on se régalera avant, par exemple, de consommer les jeunes pousses et les feuilles en salade, crues ou cuites. Feuilles dont on fera par ailleurs, une fois séchées, un thé de bonne tenue. Les fleurs, quant à elles, peuvent être infusées fraîches.
Les tiges sont sucrées
Conservez donc à l’épilobe une place de choix dans un coin de votre mémoire, Pèlerins: les temps sont durs, mais finalement – comme toute période de crise – point inintéressants si l’on se prend à (re)trouver quelques “fondamentaux”. L’un d’entre eux consiste à ne pas chercher (ou pire, aller faire chercher) aux six-cents mille diables ce qu’on a sous la main.
Comme presque tous les résineux qui peuplent les forêts d’Ardenne, le pin est une essence importée. Son aire de répartition naturelle est très étendue en Europe, particulièrement présent en Europe de l’Est.
En fait, il existe une controverse chez les spécialistes depuis peu de temps. Le pin sylvestre aurait été présent naturellement chez nous jusqu’à l’époque romaine puis aurait disparu pour enfin être réintroduit au cours du 17ème siècle. Des graines retrouvées dans les tourbières profondes confirment cette théorie.
Le bois de mine
De jeunes pins sylvestres (environ 25 ans). La lumière passe facilement à travers le feuillage et permet le développement d’un sous-étage. Ici, beaucoup d’orties, probablement par le fait que la plantation se trouve sur une ancienne pâture.
Il fut, tout comme l’épicéa, largement planté à partir de la moitié du 19 ème siècle pour valoriser les terres dites incultes de l’Ardenne. Il s’adapte facilement sur les sols rocheux pauvres, résiste au froid mais peut se briser sous le poids de la neige collante. Il fut en son temps le bois privilégié pour constituer « le bois de mine », débité en courtes billes et écorcé ; peu fissile, il convenait parfaitement pour étançonner les galeries des nombreuses mines du Pays de Liège, du Hainaut et du Limbourg. Il présentait l’avantage considérable de « prévenir » avant de casser. Il crissait, criait, geignait, ce qui permettait aux hommes du fond de remplacer à temps les éléments qui risquaient de se rompre.
Il est une essence de lumière, son feuillage (ses aiguilles) peu dense laissant passer la lumière permet ainsi le développement de la flore au niveau du sol. Il grandit relativement vite, mais pas très droit. Ce qui n’avait pas une importance capitale pour l’utilisation dans les galeries de mines, les billons utilisés étant fort courts. Il est désormais largement supplanté par les cultures d’épicéas et de douglas, sa présence en Ardenne est en constante régression.
Ecorce d’un jeune pin sylvestre, les écailles sont déjà bien distinctes.
Son écorce, structurée en espèces d’écailles, se colore progressivement de rouge-ocre avec l’âge.
Les pins se reconnaissent à leurs longues aiguilles souples (4 à 6 cm) rassemblées dans une même gaine ; le sylvestre possède deux aiguilles. C’est un « bois rouge », le cœur du tronc – le duramen – présente une couleur orangée, mais le bois peut facilement virer au gris-bleu lorsque l’arbre est abattu au printemps et gorgé de sève.
Un pin âgé, l’écorce devient fort épaisse.
Sapin rouge du Nord
C’est sous le nom de « sapin rouge du nord » qu’il est connu en charpente et menuiserie, ce qui sous-entend que le bois vendu provient des régions nordiques où la croissance plus lente des arbres donne une fibre plus serrée, donc de meilleure qualité. Pour la petite histoire, des pins sylvestre issus des forêts ardennaises, sciés sur place ont fait il y a quelques décennies, un petite balade en bateau, revenant au port d’Anvers habillés du cachet certifiant l’origine nordique des bois. Un petit trafic qui a été vite découvert, et qui serait sans doute plus difficile à mettre sur pied aujourd’hui vu la traçabilité imposée par la labellisation des produits forestiers.
En parallèle à l’usage de son bois, les huiles essentielles qui sont extraites du sylvestre, lui ont donné la réputation d’un puissant antiseptique pulmonaire.
Chère surelle ! Combien de fois n’ai-je succombé au goût délicatement acidulé de tes feuilles ! Et médité sur elles, sur tes fleurs.
Bon, je vous préviens tout de suite : si, après avoir lu cet article, je vous surprends encore à pisser n’importe où, je vous mords sauvagement l’oreille ! C’est clair ? Non mais c’est vrai, quoi ! Est-ce que j’urine sur votre garde-manger, ou sur votre pharmacie, moi ?
Bref : l’oxalis (ou oxalide) petite oseille fait partie de ces trésors sur lesquels nous avons tous marché un jour ou l’autre, sans même nous en rendre compte. Et c’est bien dommage.
Car, en l’occurrence, les usages domestiques et médicinaux de cette plante commune sous nos latitudes sont innombrables.
Attention toutefois aux abus : le sel d’oseille, tiré de l’acide oxalique qui a donné son nom à la plante sert, entre autres, à effacer les taches d’encre ou à nettoyer les cuivres ; il attaque les teintures et serait… un bon détartrant pour les radiateurs d’automobiles. Besoin d’un dessin ? Par ailleurs, les personnes souffrant de lithiases et de la goutte s’en interdiront toute consommation.
Ceci étant entendu, mâchonner quelques feuilles de surelle coupe la soif tout en chatouillant subtilement les papilles. Vous trouverez également, à la fin de cet article, la recette d’une infusion qui, bien fraîche, joindra l’utile à l’agréable en remplissant votre gourde.
La fleur de l’oxalis petite oseille est blanche, délicatement veinée de lilas, de mauve ou de bleu. Elle s’épanouit généralement aux environs de Pâques (d’où l’un de ses surnoms : « alléluia ») et, à l’instar de ses feuilles, se penche et se replie sur elle-même la nuit ; ou lorsque la lumière vient à manquer significativement, durant la journée.
La fleur ? La première. Car une seconde floraison, beaucoup plus discrète bien qu’abondante, a lieu durant l’été.
La symbolique ? Au lieu de courir après Arduinna sait quoi, arrêtez-vous donc un instant et, si ce n’est qu’une fois dans votre vie, regardez bien. Ternaire des feuilles (en forme de cœur, qui plus est) ; bipolarité dans l’unité à travers les propriétés médicinales ; photopériodisme ; abondance dans ce qui est voilé…
Mais, bien sur, on peut parfaitement vivre sans ça. Et préférer signer des pétitions.org pour la protection du gnou en Patagonie orientale, avec la photo du Dalaï-lama en fond d’écran. Mais je m’égare, je m’égare : à bientôt en Ardenne, pèlerin. Et pas pipi partout, hein ! Sinon…
Ecrit par :Patrick Germain / 2007
Note :
Oxalis acetosella L.
Surelle – Pain de coucou – Alléluia – Trèfle aigre – Oseille du bûcheron
Wallon : coucou
Infusion de surelle : 15 grammes de feuilles pour un litre d’eau bouillante. Infuser 5 minutes et laisser refroidir. Psst ! La gourde : en inox. Ou alors dans une bouteille thermos. Propres. J’dis ça , j’dis rien, hein…
Dormir, manger, bouger en Ardenne
L’Ardenne couvre en Belgique, la province du Luxembourg, le sud et l’est de la province de Liège et le sud de la province de Namur. En France elle s’inscrit dans le département des Ardennes. Elle se prolonge au Grand-Duché de Luxembourg sur la province du nord, l’Oesling.
Vous trouverez sur les sites ci-dessous toutes les adresses afin de passer un bon séjour touristique en Ardenne.
Le site officiel du tourisme en province de Liège
Le site officiel du tourisme en province de Namur
Le site officiel du tourisme en Ardennes française
Le site officiel du tourisme en Ardennes luxembourgeoises
Même si sa relative rareté lui confère un je-ne-sais-quoi de noblesse supplémentaire, la linaigrette partage avec le pissenlit un mode de reproduction anémophile (cul et chemise avec le vent, allez djan…) auquel on doit les jolis champs neigeux parsemant les habitats fagnards au mois de mai.
Dès le mois de mai, elles blanchissent les fagnes. On les trouve partout dans les Hautes Fagnes, ou ici, dans la Fagne des Tailles près de la Baraque de Fraiture. Photo de Michel Humblet.
La faune et la flore de ce que Julos Beaucarne appelle plaisamment – et non sans raison – nos “petites Sibérie” fagnardes indique qu’elles ont constitué au fil des âges autant de refuges biologiques pour des espèces désormais confinées dans des habitats beaucoup plus nordiques, plus élevés, ou plus atlantiques. Relique parmi d’autres de ces époques successives de l’histoire ardennaise, la linaigrette compte au nombre des plus spectaculaires. Par ses graines.
Car ce sont bien aux graines que l’on doit les jolis champs neigeux qui parsèment les fagnes au mois de mai : au même titre que le pissenlit, la belle est anémophile et confie à des soies porteuses l’éolienne dissémination de sa descendance. La fleur à proprement parler, qui apparaît au début du printemps, est minuscule.
Les flocons du printemps en Fagne. Photo de Michel Humblet.
Trois espèces distinctes de linaigrettes adornent ainsi les âpres solitudes comme autant de transitions métaphoriques entre la supposée morte saison et celle de toutes les promesses : la linaigrette engainée (vaginatum), la linaigrette à plusieurs épillets (polystachium) et la linaigrette à larges feuilles (latifolium). Les deux dernières citées, par la multiplication de leurs épillets, s’avérant particulièrement douées pour le pointillisme paysager.
En des temps pas si lointains, il était de coutume de ramener quelques épis de ses incursions fagnardes quand, à l’instar de ce qui se pratiquait avec le genêt à balais, il ne s’agissait pas d’en témoigner avec plus ou moins de tapage sur la calandre des automobiles. Faut-il préciser que, les belles étant désormais protégées, la perpétuation de cet usage risque de valoir quelques ennuis à nos visiteurs s’en retournant vers les basses terres ?
Écrit par : Patrick Germain /2008
Photos : Pat. Germain et Michel Humblet > voir sa page Facebook
Note :Eriophorum vaginatum(L) – polystachium (Honckeny) – latifolium (Hoppe).
Oreiller du pauvre – jonc à coton
Wallon : tchitchoûle
Source :
Fagne, mon pays – Freyens – Fédération du tourisme de la province de Liège – 2° Les Hautes Fagnes – Schumacker / Noirfalise – Ibid + ASBL Parc naturel des Hautes Fagnes Eifel – 1° Guide de la Fagne – Freyens – Marabout 1967
Avec son nom tellement rural qui donne envie de rouler les « r », la bourrache est à la fois bien jolie paysanne, et une auxiliaire précieuse dont les propriétés médicinales sont toujours appréciées.
Il est pratiquement impossible de passer à côté d’une touffe de digitales pourpres sans remarquer la belle prestance de leurs hampes florales dressées en pleine lumière tout au long des chemins d’Ardenne. Mais attention : la belle est redoutable !
Son nom vient d’Égypte, d’où cette belle orientale semble avoir conquis nos contrées : la longue floraison de la chicorée sauvage est de toute beauté, et sa descendance est nombreuse.
On l’appelle aussi épine noire, pour le distinguer de l’aubépine (épine blanche) avec laquelle il partage d’abondantes floraisons et de mêmes habitats. Utiles, ses haies ont failli disparaître ; mais ce sont les fruits du prunellier, surtout, qui lui valent une réputation d’excellence.
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