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Le lièvre, un sprinter aux grandes oreilles

Le lièvre, un sprinter aux grandes oreilles

Le lièvre, un sprinter aux grandes oreilles

On peut hésiter lorsqu’on aperçoit un petit mammifère aux grandes oreilles dans un pré : est-ce un lièvre, un lapin ou un petit kangourou ? Oubliez le kangourou en Ardenne…

Regardez les oreilles

Pourtant, ne verrait-on que le bout des oreilles, on aurait déjà une bonne indication. Le lièvre arbore des oreilles plus grandes que le lapin de garenne (entend-t-il mieux ?), mais surtout, leur pointe est noire sur 1 à 2 centimètres. Il faut pour cela, évidemment, le voir en plein jour, alors qu’il est plutôt nocturne et crépusculaire. Sauf durant le “bouquinage”, où le mâle comme tous les mammifères joue les gros-bras. En cette période de parade nuptiale, il aime se montrer au grand jour pour impressionner les hases (femelles du lièvre).

 

Lièvre assis dans un pré

Relax le lièvre, il n’a pas encore aperçu le photographe.

 

S’il se déplace pour prendre la fuite, on constate directement qu’il est très grand pour un lapin, et surtout que son agilité lui permet de faire des bonds qu’un lapin olympique lui envierait. Grâce au développement de ses pattes postérieures, il peut filer à une allure de près de 70 kilomètres par heure. Bonne chance pour l’attraper à mains nues, le renard lui-même ne s’y essaie guère, il préfère consommer les jeunes levreaux. Ils sont plus tendres à croquer et certainement plus faciles à attraper.
Les levreaux sont pourtant débrouillards, ils ne s’attardent pas au nid très longtemps mais reviennent à la maison de temps en temps jusqu’au sevrage définitif, après environ un mois. Cependant, le logis familial n’est pas très sécurisé ; disons plutôt le logis maternel, car après avoir rempli ses fonctions viriles, le mâle s’en va voir ailleurs. Il est polygame le coquin. Contrairement à la lapine, la hase  ne s’installe pas dans un terrier, elle se contente d’un renfoncement du sol, un pas de cheval par exemple. C’est donc facile à construire mais les petits sont très exposés aux prédateurs, pas seulement les renards ; les corneilles ou les rapaces repèrent facilement leurs proies du ciel. D’autant plus que le lièvre n’est pas un animal forestier à proprement parler, il préfère éventuellement les lisières mais surtout les espaces dégagés, les landes, les prés.

 

Lièvre en extension

Curieuse attitude, on dirait qu’il va jouer au renard et bondir sur une petite proie. Ou bien il étend ses muscles après une petite sieste ?

Un campagnard le lièvre

 

Mignon le levreau, mais fort exposé aux prédateurs.

Mignon le levreau, mais fort exposé aux prédateurs.

 

Même si la femelle peut concevoir plusieurs portées de 3 ou 4 levreaux par an au printemps et en été, les destructions par les prédateurs naturels sont importantes. Les prédateurs humains ne sont pas innocents à la difficulté de rendre stables les populations de léporidés (…de la famille des lièvres et lapins). Le chasseur – puisque le lièvre est considéré comme un gibier, donc chassable – n’est pas responsable de tout, même si la gestion du “Petit gibier” est moins évidente que celle du “Grand-gibier” comme le cerf ou le sanglier. Plus campagnard que forestier, le lièvre paye cher sa présence dans les champs cultivés et arrosés de pesticides, fongicides et autres produits tueurs. En Ardenne, terre d’herbages, l’utilisation massive de ces produits est plus rare, c’est plutôt sous les lames de la faucheuse d’herbe que les portées sont détruites pendant la fenaison. Et n’oublions pas l’arme que nous utilisons tous, la voiture dont les roues restent insensibles au charme de ce sympathique habitant des campagnes. Si lièvre n’est pas considéré en voie de disparition, il semble cependant qu’un déclin général soit observé depuis plusieurs décennies.

Un gibier quand-même !

S’il se chasse…, il se mange.

Espérons pour le noble animal, qu’il tombe sous le fusil d’un chasseur respectueux et qu’il finisse dans l’assiette d’un gourmet respectueux…

 

 

Lièvre attentif.

“Soyons attentif, j’ai beau courir vite, l’important est de partir à point”.

 

Raymond Buren (1932 – 2009) auteur du recueil de recettes ardennaises « Le goût de l’Ardenne » comptait parmi les gourmets respectueux. Voici ce qu’il dit du lièvre-gibier; pour notre part, nous observons dans cette citation que si le chasseur peut être respectueux, il peut aussi être maladroit :

Le lièvre danse la nuit à la lune ; le lièvre est rapide mais il ne voit que de côté. A quatre ans, il est déjà vieux. Le lièvre est un rude gibier de poil : il s’échappe facilement ; aussi lui plombe-t-on le postérieur plus qu’il ne convient. Gibier haut de goût, le lièvre restaure merveilleusement l’appétit de vivre en ces temps de frimas et de froid de ces mois de fin d’année.

L’auteur lui-même, cite un passage du “traité de la table” de son illustre confrère Maurice des Ombiaux. (1868-1943)

Manger du lièvre n’est qu’une question monétaire, manger un bon lièvre est une question d’art… Tous ceux qui s’y connaissent quelque peu n’ignorent pas qu’il faut choisir un lièvre court sur pattes et haut de corps, car il faut se méfier des lièvres trop hauts, dont la chair est insipide… Mais après cela, que de nuances encore ; le lièvre des bois est supérieur au lièvre des champs ; le lièvre des collines l’emporte sur le lièvre des plaines.
Les meilleurs lièvres que j’ai connus venaient des Ardennes où ils avaient brouté la bruyère, le thym et le serpolet.


Photos Laurent Malbrecq : natur-photo.e-monsite.com
Texte : Fr. Rion – MediArdenne – Nov. 2016

Sources :
Faune des plaines agricoles : Région Wallonne
“Le goût de l’Ardenne” par Raymond Buren – Le Vif Editions 1995

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De Herbeumont à Vresse : le petit monde à l’envers des chauves-souris

De Herbeumont à Vresse : le petit monde à l’envers des chauves-souris

De Herbeumont à Vresse : le petit monde à l’envers des chauves-souris

Comme chaque année, entre mi-janvier et mi-février  – qui est en principe la période la plus froide -, une trentaine de volontaires de Plecotus-Natagora ont participé au recensement hivernal des chauves-souris dans la région de la Semois ardennaise. Durant 5 jours, ces passionnés de chiroptères se sont répartis par petits groupes et ont exploré 63 sites (anciennes ardoisières, ponts, cavités souterraines…), afin d’identifier et compter les individus présents dans leur gite hivernal. Au total, 1782 chauves-souris, appartenant à plus de 12 espèces différentes ont été comptabilisées !

 

Les cavités souterraines à température constante sont le refuge hivernal des chauves-souris

 

 

En route dans les entrailles de la terre.

 

 

 

« La plupart des chauves-souris se réfugient dans les cavités souterraines où la température est constante d’une dizaine de degrés, l’humidité saturée à 100%  et là où un courant d’air maintient une qualité d’air », précise Thierry Debaere, une des chevilles-ouvrières de « Plecolux » (le groupe régional de Plecotus pour la province de Luxembourg). Pour cette exploration au « ventre de la terre », les naturalistes s’équipent de bottes, car la plupart des sites sont inondés ou boueux, de vêtements adaptés, souvent d’un casque et d’une très bonne lampe de poche. « Il faut chercher les petits mammifères un peu partout.  Les plus faciles se laissent pendre au plafond des salles. Mais la majorité se cache dans les petites anfractuosités.  Il faut avoir l’oeil ! ». Spécialiste reconnu des chiroptères, Frédéric Forget était également de la partie lors du recensement : «Notre pays compte actuellement 23 espèces de chauves-souris, précise-t-il, dont une vingtaine se reproduisent.

 

 

Une ancienne galerie d’ardoisière. Les pierres des couloirs sont en fait des déchets que l’on arrangeait de la sorte pour éviter de les sortir de la galerie.

 

 

 

 

Une population en augmentation,… mais pas partout

 

La région de la Semois est un véritable eldorado, car depuis le début de cette année, pas moins de 12 espèces ont été comptabilisées. » Parmi celles-ci, plusieurs sont des espèces rares à très rares : le grand murin, le murin à oreilles échancrées, le murin de Bechstein, le grand rhinolophe, mais surtout la barbastelle d’Europe considérée comme disparue de nos contrées jusqu’il y a peu. « Si les populations de chauves-souris sont en net déclin dans la plupart des régions du globe, il n’en va pas de même en Europe – et donc forcément ici – où les effectifs sont en augmentation pour de nombreuses espèces » poursuit Frédéric Forget. Nul doute que l’interdiction de l’utilisation de certains produits toxiques comme le DDT et d’autres puissants pesticides ou insecticides en est une des raisons principales.  Cela dit,  même si les pesticides actuels semblent moins toxiques, ils ne sont pas sans risques pour les populations de chauves-souris. Et diverses autres menaces pèsent toujours sur nos sympathiques petits mammifères : destruction des habitats naturels, élimination des haies, dérangements, isolation des bâtiments, prolifération des éoliennes, augmentation de la pollution lumineuse…

 

 

 

Le grand rhinolophe, Batman n’est pas loin!

 

Le Grand Murin est une des plus grandes espèces de chauves-souris d’Europe.

Les araignées de cavité côtoient les chauves-souris, elles aussi se baladent la tête en bas.

La protection de l’espèce passe par la sensibilisation

 

Si l’hiver est une des périodes de grande fébrilité pour les membres de Plecotus, leur travail ne se limite cependant pas à la mauvaise saison : « Au printemps et en été, nous recherchons des colonies dans les bâtiments mais aussi dans les cavités naturelles.  Pour cela, nous utilisons des appareils à détection d’ultra-sons pour suivre les chauves-souris. Grâce à leur sonar, nous pouvons identifier les espèces qui émettent des ultra- sons pour se déplacer, chasser des insectes mais aussi dialoguer entre elles. Le dernier projet en cours de Plecotus est la recherche des différentes espèces de chiroptères chassant les insectes dans les étables (bio ou non). Nous effectuons également des études d’incidence pour des bureaux d’études pour des implantations d’éoliennes ». La sensibilisation et l’éducation sont aussi des piliers majeurs de l’action du groupe Plecotus. Le public a conscience que les chauves-souris sont intégralement protégées et de plus en plus rares sont les personnes croyant qu’elles s’accrochent aux cheveux, détruisent l’isolation des maisons ou se reproduisent à une vitesse exponentielle ! « Le travail de sensibilisation est également un volet important du travail de Plecotus : depuis la fin des années 90, nous organisons la Nuit de la Chauve-Souris à travers tout le territoire de la Wallonie et à Bruxelles. Celle-ci a rassemblé, depuis son lancement, des milliers de personnes que nous invitons à partir avec nous à la rencontre de ces animaux fascinants » précise Frédéric Forget.

 

 

Le recensement des chauves-souris outre son aspect scientifique est également une activité de découverte et de sensibilisation à la découverte de la nature. Les poutrelles servent de barrières et permettent le passage des chauves-souris.

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Présent également lors du recensement des chauves-souris entre Herbeumont et Vresse, Thierry Gridlet de la régionale Natagora Semois ardennaise, se réjouit de la bonne santé des populations recensées ces dernières années : « La région de la Semois se pose en candidat très sérieux au titre de Parc National qui sera octroyé à deux sites majeurs wallons fin de cette année (2022). La diversité des espèces de chiroptères présentes dans notre zone et l’abondance des effectifs sont évidemment un des nombreux éléments particulièrement solides que présenteront les porteurs de la candidature de la Semois ».

 

 

Frédéric Forget (à droite) est oncologue à Libramont et membre fondateur de Plecotus. Il est un des plus grands spécialistes des chauves-souris dans notre pays et a réalisé de nombreux documentaires (notamment présentés lors de la « Nuit de la chauve-souris ») dont un a reçu un prix au Festival International Nature Namur. Thierry Debaere (à gauche) s’occupe d’une association de protection de la nature à Bertrix (ADN : Association de Découverte de la Nature) et est responsable des recensements hivernaux des chauves-souris en Semois ardennaise.

 

 

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Texte et photos : Thierry Gridlet/Natagora Semois ardennaise

 

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Variations sur la buse variable (Buteo buteo)

Variations sur la buse variable (Buteo buteo)

Variations sur la buse variable (Buteo buteo)

La buse est au sol, pestant de s’être posée trop tard. Le campagnol a senti le danger venir du ciel et s’est engouffré dans sa galerie. Le rapace reprendra lourdement son vol et ira se poser sur le piquet de clôture le plus proche. Qui sera le plus patient, ou le plus malin ? Le campagnol sortira-t-il de nouveau par le même passage ? La buse sera-t-elle toujours sur son poste d’observation pour plonger de nouveau et, peut-être enfin, capturer sa proie ?

Le plus commun des rapaces de l’Ardenne

La buse variable est sans aucun doute le rapace diurne le plus commun des terres ardennaises. C’est elle que l’on aperçoit postée en hauteur sur un piquet, un arbre, sur le poteau ou même les câbles électriques. De là elle observe attentivement les mouvements de ses proies dans les champs et les pâtures.

 

La buse sur son poste d'observation favori

La buse sur son poste d’observation favori : le piquet de clôture. Photo de Jean-François Delepine

 

 

En Ardenne, elle niche plutôt en forêt mais les terrains découverts sont ses territoires de chasse préférés. Son vol est relativement lent et lourd, elle a besoin d’espace pour se mouvoir et plonger sur ses cibles. Elle n’a pas l’agilité ni la rapidité des faucons ou des éperviers. Elle se nourrit principalement de petits rongeurs, de grenouilles, de reptiles et de vers de terre ; d’animaux terrestres en somme car elle ne capture pas ses proies en vol.
Elle se transforme en charognard en hiver, lorsque la nourriture fraiche se fait plus rare.

 

 

L’envol est plutôt lent et lourd. La buse n’est pas rapide mais elle est un excellent planeur. Photo de Jean-François Delepine

 

Si son envol est pesant, elle est par contre assez douée pour utiliser les courants d’air ascendants ; ce qui fait d’elle un excellent planeur. Elle peut tournoyer lentement en de larges cercles aériens pendant des heures. Comme les autres rapaces, son regard est perçant, elle peut donc prendre de la hauteur pour repérer ses proies.
Le ciel est aussi le terrain des jeux nuptiaux. Il n’est pas rare d’observer un couple jouer dans une série de vols planés et de piqués acrobatiques tout en faisant entendre des cris espacés. Quand ils percent le silence des campagnes ensoleillées, ces miaulements caractéristiques sont l’expression du bien-être de l’oiseau.

Ce paisible tableau peut-être troublé, le vacarme devient alors assourdissant. Le ciel se transforme en tribune de foot. La débonnaire et pacifique buse doit fréquemment faire face au caractère irascible des bandes de corneilles noires. On dirait que ces volatiles aux couleurs de « macralles » ne peuvent s’empêcher de houspiller les buses en vol. Un coup de bec ou de serre se perd parfois mais souvent la buse s’éloigne et laisse la place aux corneilles. Le ciel est assez grand !

 

Nom de nom, ces corneilles sont bien belliqueuses ! Photo d’Evelyne Wintgens

 

 

Vous avez dit « variable »

Les naturalistes sont des gens pragmatiques. Lorsqu’il s’agit de baptiser une espèce, ils se basent sur l’observation. Ainsi, la buse variable est devenue variable car son plumage est … variable. CQFD.
Il n’y a pas d’uniformité de plumage d’un individu à l’autre. La couleur du dos est relativement constante allant du gris-brun au brun foncé, mais le dessous (la poitrine) peut aller d’une couleur très sombre à une tonalité presque blanche striée de taches plus sombres sur une poitrine claire, et plus claires sur une poitrine foncée. Le dessous des ailes et de la large queue arrondie sont de la même couleur que la poitrine.
L’animal présente un aspect trapu au sol. En vol, il est tout en rondeurs, sa queue est déployée comme un éventail de demoiselle, ses ailes sont très larges. L’envergure peut avoisiner les 130 cm. On peut parfois s’apercevoir que ce planeur nous survole par l’ombre de sa silhouette que le soleil projette à nos pieds.
Elle peut vivre jusqu’à 25 ans.

 

La poitrine, le bas des ailes et de la queue sont de la même couleur allant du brun au blanc. Photo d’Evelyne Wintgens

Sédentaire mais pas trop

En Ardenne, la buse est plutôt sédentaire, elle passe l’hiver « à la maison ». Pendant la saison froide, elle peut partager son espace aérien avec des sujets d’Europe du nord qui se réfugient chez nous où les températures hivernales sont un peu plus clémentes.
Une étude belge sur le baguage de populations de buses a signalé un animal bagué à Ekeren (Anvers) en octobre 1978 et retrouvé mort en Mauritanie deux mois plus tard. Il s’agissait d’une des deux sous-espèces que compte la région : Buteo b. vulpinus, plus migratrice que sa très proche cousine Buteo b. buteo. (Aves 1997 – Contribution à l’étude la buse variable, mortalité et mouvements – Patrick del Marmol)

 

Plus de danger pour l’espèce, … pour le moment.

L’espèce n’est pas – ou plus – considérée comme espèce en danger. Pourtant, pendant de siècles, jusqu’à une époque récente, la bêtise humaine a fait des rapaces la cible des hommes. Considérée comme un concurrent par certains fiévreux de la gâchette, elle en prit du plomb dans l’aile, et ailleurs. Les agriculteurs ont mis bien du temps à comprendre que les rapaces pouvaient être de précieux alliés dans la lutte contre les rongeurs, destructeurs de récoltes. Cette alliance nouvelle compense les quelques poules attaquées par les buses de temps à autres.

Une pratique barbare consistait à placer des pièges à mâchoires sur les piquets de clôture fréquentés par les buses. Il n’était pas rare de découvrir un cadavre de buse pendouillant le long d’un piquet.

Heureusement, les mentalités changent, elles sont un peu aidées – il faut bien le dire – par le statut de protection totale dont bénéficient désormais les rapaces. Certains agriculteurs, les maraîchers et les pépiniéristes en tête, adoptent  la buse et ses cousins en tant qu’alliés. Plutôt que tenter de piéger les rongeurs, ils invitent les rapaces en installant des perchoirs en hauteur sur lesquels les oiseaux peuvent se poser et scruter le sol à l’affut d’une rate ou d’un mulot qui se risquerait hors de sa galerie.

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Vidéo : Les buses ne sont pas partageuses

Une vidéo de Harry Mardulyn

3 Buses variables se disputent une carcasse de marcassin dans la réserve du Bec du Feyi à Wibrin (Ardennes belges).



 

 

Les photos sont de
Roland Piron, Evelyne Wintgens, Ploppys Jean-François Delepine

La vidéo est de
Harry Mardulyn

Texte Fr. Rion – MediArdenne
Sources :
Guide des oiseaux – Sélection RD – 1975
Chasse-Pêche – Institut enseignement agricole et forestier La Reid – W. Ernould – 1979

http://biodiversite.wallonie.be/fr/buteo-buteo.html?IDD=50334099&IDC=312

https://www.oiseaux.net/oiseaux/buse.variable.html

https://www.lesitedesanimaux.com/dossier-30-buse-variable.html


 

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Le milan royal, talentueux flemmard

Le milan royal, talentueux flemmard

Le milan royal, talentueux flemmard

Admirable voilier, le milan royal est sans doute l’un des plus beaux rapaces diurnes de l’Ardenne.

Depuis quelques années maintenant, le ciel d’Ardenne retrouve progressivement ses rapaces. Et c’est avec bonheur que l’on y constate, au fil des saisons, un accroissement notable de la population de milans royaux alors même que l’espèce continue d’être réputée en danger ailleurs.

Quel bonheur, pour un – modeste – vélivole qui plus est, que celui d’observer ce talentueux flemmard en train de défier les lois de la pesanteur sans le moindre effort apparent ! Le plumage de queue en perpétuel mouvement, il glisse à quelques mètres du sol, point trop soucieux de la présence humaine. Puis, toujours sans effort apparent, il tournoie et monte, monte à perte de vue dans le ciel.

Flemmard dans l’espace, le milan le serait encore plus résolument sur le plancher des vaches. Il peut, paraît-il, rester des heures à rêvasser dans un arbre.

Outre son vol caractéristique c’est un magnifique rapace très facile à identifier, entre autres grâce à sa longue queue rousse triangulaire, profondément échancrée. La tête est blanchâtre et le plumage brun rouge dessus et roux rayé de brun dessous. Les ailes sont tricolores dessus et on peut observer au-dessous deux fenêtres blanches, situées au niveau des poignets.

 

milan_royal_quoidbach_petitCôté subsistance, il est principalement charognard, mais il arrive que notre surdoué trouve sa nourriture au sol à l’occasion d’imprévisibles piqués sur cibles mobiles. Rats, campagnols, jeunes oiseaux, grenouilles, charognes, lombrics et autres constituent l’essentiel de son menu. Ceci dit, que nos amis éleveurs se rassurent : tant il est vrai que l’on ne peut également briller en toute chose, le milan royal n’est pas le plus imparable des rapaces. Il est considéré comme un peu maladroit lorsque l’envie lui prend de tenter l’aventure vers nos poussins ou lapereaux.

 

 

C’est en février qu’il revient vers nos contrées – Photo de Harry Mardulyn

 

 

Anecdote : un milan en mauvaise posture

Un milan royal en mauvaise posture

 

Comment a-t-il pu aller se fourrer là ?

C’est notre ami photographe Roland Piron qui raconte l’anecdote :

Ma nièce me téléphone vers 18h00 heures, elle me signale qu’un rapace est coincé dans un arbre. Lorsque j’arrive sur place, à plus ou moins dix kilomètres, je vois que c’est un milan et que en effet, il est drôlement empêtré dans les branches. Mais il est difficilement accessible, il me faut une échelle. Ma nièce part en chercher une en courant. Dans l’instant d’après, un voisin agriculteur passe justement avec un tracteur muni d’un chargeur frontal et d’un bac. Je lui explique la situation et à l’aide de l’engin, il m’ amène en un tour de main à hauteur de l’oiseau qui fut très vite libéré et sans blessure.

Voilà un sauvetage qui se termine bien, on loin du temps où les superstitions idiotes clouaient les rapaces – les chouettes surtout – sur les portes des granges…
Heureusement !

Les photos de Roland Piron

 

Notes

Milan royal – Milvus milvus

Cantons de l’Est : Roter Milan
Wallon : grand mohèt, ram’neu d’bègasses

Envergure : 145 à 165 cm.
Longueur : 59 à 66 cm.
Poids : 720 g à 910 g pour le mâle et 800 g à 1010 g pour la femelle.
Dimorphisme sexuel : Il existe un léger dimorphisme de taille chez les adultes, les ailes du mâle mesurent 475 à 500 mm tandis que celles de la femelle sont plus grandes, de 475 à 530 mm.
Voix : plutôt silencieux, il peut faire entendre des sortes de miaulements et des cris aigus rappelant ceux de la buse.
Durée de vie : record de 26 ans pour une femelle.
Habitat : régions montueuses boisées ; localement en plaine et milieux découverts avec arbres disséminés.
Reproduction : 2 à 3 œufs en moyenne, pondus en mars-avril, vont être couvés pendant 35 à 40 jours. Les jeunes, élevés pendant deux mois, attendront environ l’âge de 3 ans avant de commencer à se reproduire à leur tour.

Texte : Patrick Germain / 2007
La photo du titre est de Corentin Thomas – 2018
Crédit(s) iconographiques : Jacques Quoidbach

Source :

  • “Histoires d’ailes en val de Lienne et Glain…” Textes et dessins de Marc Deroanne – Cercles des naturalistes de Belgique éditeur – 2004 –
  • “Mémoire : Oiseaux du Pays de Salm” – Bernard Clesse – Cercles des naturalistes de Belgique éditeur – 1988 –
  • “Guide des oiseaux d’Europe” – Peterson, Mountfort, Hollom, Géroudet – Delachaux & Niestlé éditeurs – 7ème édition – 1976
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… et en vidéo (Harry Mardulyn – Natagora)

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Le brame

Le brame

Le brame

Rendons une visite – distante – à Sa Majesté le cerf au moment où il fait trembler la forêt d’Ardenne au rythme d’une fête sauvage dont les échos venus du fond des âges réveillent, même chez l’homo internetus, d’étranges sensations.

“ La fièvre l’a saisi à l’improviste, un soir de septembre (…) il a senti l’odeur des biches, et l’impétueux instinct a soudain transformé son comportement. D’abord, il a apaisé sa nervosité avec de furieux coups de tête sur le premier arbuste qu’il a rencontré en quittant sa reposée (…) puis, il s’est brusquement retourné, a vu son compagnon habituel marcher sur ses talons. Pendant un long moment, il l’a toisé d’un regard dont toute aménité était absente. Voila que, subitement, cette présence, pourtant appréciée pendant tout l’été, lui était devenue insupportable „

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Ils se toisent

 

En quelques lignes, Roger Herman (1) vient de brosser le portrait psychologique du premier rôle de ce qui constitue sans doute l’événement le plus impressionnant de l’année ardennaise : au sombre des forêts le brame peut commencer ; drame épique dont les échos se répercutent depuis le fond des âges avec une même force brute, chargé d’émotions contradictoires auxquelles nul ne peut échapper en ses intimes

Sinon, comment expliquer cette mystérieuse pulsion qui, quelques semaines durant, va faire affluer vers l’Ardenne et ses forêts plusieurs milliers de personnes de tous âges et de tous sexes ? Comment expliquer que le plus blasé des coureurs de bois ne peut rester indifférent à ce qui, somme toute, ne constitue qu’un instant de l’année parmi d’autres sans cesse renouvelés?
Car, au fond, le brame n’est jamais que le rut du cerf. Notre plus grand mammifère sauvage, certes, et le plus expressif en la matière sans doute, mais encore ?

 

LE BRAME : MODE D’EMPLOI

 

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En voilà des manières !

 

Pour ce qui concerne les faits, le brame correspond à une période allant grosso modo du début septembre à la fin octobre, durant laquelle les cerfs en majesté rejoignent les hardes de biches en vue de s’accoupler. Le reste du temps, ils vivent seuls, ou en petits groupes.

D’un tempérament généralement flemmard, le cerf titillé par ses hormones devient alors un personnage irascible qu’il est très fortement déconseillé de rencontrer au détour d’un taillis sans avoir pris rendez-vous : quand quelque 150 à 200 kilos d’os et de muscles pour un mètre cinquante au garrot, surmontés d’une tête de furieux pourvue de bois redoutables quel que soit le nombre de leurs andouillers, décident de vous faire part de leur plus vif mécontentement, ça craint, croyez-m’en ! (voir anecdote)

 

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Lorsque vous assistez à une telle scène, il y a vraiment intérêt à rester à distance.

 

Bref, restez prudemment en-dehors du coup, laissant à ces messieurs le soin de s’expliquer en comité restreint. Un rituel immuable qui débute par un stade d’observation durant lequel les seigneurs en présence vont se jauger, avant de fuir ou de se rentrer littéralement dans le lard, entrechoquant leurs bois avec une violence inouïe car le combat ne mettra jamais en lice que des adversaires de puissances similaires. Il peut durer plus ou moins longtemps, selon la vigueur des cerfs aux prises et/ou la gravité des blessures reçues. Quelquefois, tous deux mourront d’épuisement, le bois inextricablement entremêlés. Tout qui, même à distance, a pu entendre le choc des ramures, peut se faire une idée de la sauvagerie de l’affrontement.

 

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Les grondements dans la forêt.

 

Les grondements rauques qui résonnent alors dans la forêt constituent à la fois une manière de revendiquer le territoire avec les femelles qui s’y trouvent, et de provocation envers les rivaux potentiels. Avec un peu d’oreille et de pratique, il est possible de les bien imiter à l’aide du verre d’une ancienne lampe à pétrole. Mais ne venez pas vous plaindre ensuite si vous vous retrouvez contraint de passer la nuit dans un arbre

 

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Le repos du seigneur

 

Ceci dit, vous y auriez tout le temps de compatir au sort du Seigneur de nos forêts qui, non content d’en prendre plein les ganaches pour conquérir son harem est ensuite contraint de veiller doublement au grain. Premièrement parce que les biches ne sont – individuellement – réceptives qu’une seule journée par an ; et deuxièmement parce que les cerfs plus jeunes, qui ont assisté de loin au choc des Titans, ne se privent pas de leur faire à l’occasion un (en)faon dans le dos.

 

LE GRAND CORNU

Voilà qui nous dresse le portrait d’un animal “ solaire „ brillant lors du brame d’un feu “ fixe „ qui, comme tous ceux de son espèce, peut à la fois être générant et destructeur dans un même élan. D’un animal qui impose le respect par sa stature et son allure, tout en représentant à bien des égards une puissante métaphore de la vie. De là à en faire un dieu il n’y a qu’un pas.

 

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Cernunos : la divinité

Franchi depuis plusieurs millénaires, les meilleures sources s’entendant pour prêter à la divinité celtique Cernunos une antériorité historique qui en fait sans doute, avec les divers avatars de la Terre-mère, l’une des plus anciennes du Panthéon occidental. Tout ceci pourrait n’être malgré tout que pure spéculation si Cernunos, avec quelques autres comme Épona, n’avait par ailleurs fait l’objet d’une christianisation insistante dont la figure la plus célèbre est sans conteste le cerf de saint Hubert. Et ça, c’est un indice de taille.
Quant à savoir s’il existe un lien entre le brame et le sabbat qui, avec ses bacchanales, ne serait que l’avatar dévoyé de rituels plus anciens, c’est une autre histoire. Reste qu’il existe de troublantes similitudes.

À titre purement personnel, mes affinités électives iraient plutôt dans le sens de la vision que Jean-Claude Servais a donné du brame au mois de septembre (2) de son “ Almanach „. Très émouvant.

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Jean-Claude Servais : “L’Almanach” – Septembre / Adrien

Alors, au bout du compte, trouvez donc votre chemin vous-mêmes dans l’infinité de lectures possibles qu’offre un symbole. Laissez-vous imprégner par l’ambiance du brame en commençant par les odeurs et le climat de la forêt d’Ardenne à l’automne ; montez en puissance avec le cerf en ne négligeant aucune sensation, fut-elle dérangeante pour la morale du temps, car nul ne connaît la lumière s’il n’a affronté l’ombre. Que chaque froissement, chaque odeur, chaque cri, chaque choc rapporté par l’écho, pénètre en vous jusqu’à en devenir intime. Vous fasse prendre conscience de votre unité avec le tout. Il se peut bien qu’alors des choses surprenantes se produisent en vous et autour de vous. Attentifs, Pèlerins, soyez attentifs.

 

AU CERF,  LA BIÈRE !

Bien-sûr, tout ceci suppose idéalement que vous ayez le bonheur de découvrir le brame seul, ou en compagnie d’un familier de la forêt qui saura vous guider et, le cas échéant, vous protéger.
Car on ne martèlera jamais assez, tout particulièrement à cette époque, le vieil adage de vénerie : “ au sanglier, le mire (médecin) ; au cerf, la bière (rien à voir avec le houblon) „ !

À défaut, il vaudra donc mille fois mieux rejoindre l’un des nombreux groupes de naturalistes qui organisent des soirées “ brame „ voire l’un des lieux de concentration tolérés par la DNF, que prendre des risques inutiles : l’instant recèlera de toute manière sa part d’intense magie.

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Texte Patrick Germain / 2007
Crédit(s) iconographiques :Jean-Claude Servais
Photos : Daniel Pigeon
Voir la page Facebook de Daniel
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Anecdote

Je dois au maître-traqueur José Léonard l’une des trouilles de ma vie lorsqu’un jour de battue en Hertogenwald il me chargea de “ rester pour retenir les chiens „ au sortir d’une clôture à gibier mal fermée dans laquelle il rentra en prononçant le “ on ne sait jamais… „ annonciateur des grands désastres. Quelques instants plus tard, au terme d’une fantasia de branches brisées, de cris et d’aboiements furieux, je me retrouvai nez à nez avec un cerf dont la seule chose que je puisse dire est qu’il était de très méchante humeur et qu’il me laissa juste le temps de me jeter à plat ventre dans un fossé dont je sortis ensuite couvert de boue et d’une verdure poisseuse qui seyait à merveille à mon teint du moment. C’était, me dit-on, un “ beau douze „ et j’avais tenu mon poste jusqu’à l’extrême limite : l’honneur était sauf. C’est fou ce qu’on vous observe, en forêt, dans ces instants de pur hasard…

Source :
•    (1)  “ Bêtes sauvages d’Ardenne „ – Roger Herman – Paul Legrain éd. 1976
•    (2)  “ L’Almanach „ – Jean-Claude Servais – Casterman 1988 – ISBN 2-203-38009-8
•    “ Les Celtes „ – Collectif – EDDL Paris éd. 2001 – ISBN 2-23700-484-6 et “ Chasse – Pêche „ – Cours technique secondaire de l’IPEAFP La Reid 1975


 

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La truite, l’anneau et le miracle

La truite, l’anneau et le miracle

La truite, l’anneau et le miracle

Pâques 2016, la Fédération Sportive de Pêche Francophone Belge organise cinq jours de stage à destination des jeunes.
Les 24 stagiaires sont reçus à Engreux, près de Houffalize, mais les séances d’entraînement sont itinérantes. Un peu en eaux vives, au bord de l’Ourthe, un peu en étang.

C’est à l’étang de Basse-Bodeux, à Trois-Ponts que le miracle se produit pour un des plus jeunes stagiaires. Timour a dix ans seulement, mais le gamin est déjà sacrément doué et bardé d’une solide d’expérience (le lecteur pardonnera certaines familiarités de langage et une évidente propension aux superlatifs concernant le jeune pêcheur, mais l’auteur de ces lignes n’est autre que le grand-père du stagiaire…).

Pourtant, ce matin-là, et malgré le talent incomparable du jeune génie de la pêche… ça fait quand-même beaucoup de superlatifs… Soyons raisonnable, ce matin-là, ça ne marche pas très fort pour Timour, les touches se font attendre. Tout à coup, les poignets du garçon vibrent sous « un départ appuyé », une grosse touche courbe la canne. Un poisson de cette force et de cette taille, cela ne peut  être qu’une grosse carpe.

“Non, non c’est une énorme truite, s’écrie un des stagiaires, je viens de la voir”

Au bord de l’étang, y compris chez les moniteurs, l’incrédulité règne ; une truite de cette taille c’est rarissime.
Sous la terrrrible traction, la canne se tord et se courbe mais ne rompt point. La ligne se tend mais le fil résiste à la traction, alors que les nerfs du gamin résistent à la pression. Timour, entouré de ses congénères et rejoint par les moniteurs, travaille le poisson avec l’aide et les conseils des enseignants. Vingt minutes d’âpre lutte se sont écoulées. Tous revivent l’aventure du vieux pêcheur d’espadon qu’Ernest Hemigway a décrite dans le « Vieil homme et la mer ». C’est homérique. (Je rappelle à l’auteur qu’il faudrait y aller mollo avec les superlatifs…)

Et, catastrophe, une fois de plus, le matériel trahit l’homme. Dans un invraisemblable fracas (?), comme le déraillement d’une locomotive à vapeur, la ligne se brise. Ou plutôt, et plus simplement, l’anneau porteur de fil, au bout de la canne, se décroche. Ce qui fait nettement moins de bruit qu’un déraillement, mais pour les acteurs de la scène, le résultat a dû paraître identique.
Le moniteur, Julien, aux réflexes prompts comme doit les avoir un homme d’action, lance sa propre ligne. Il espère emberlificoter son fil à la ligne du malheureux stagiaire. Il y réussit, le diable d’homme (nous verrons plus bas que cette expression est un peu malheureuse). Ainsi à deux, les héros ramènent sur la berge, via une trop petite épuisette, une énorme truite mâle de soixante-trois centimètres. Soixante-trois centimètres ET DEMI précise Timour, en bon pêcheur qu’il est devenu.

C’est seulement à partir de cet instant que l’épopée devient miracle.

Reprenant leurs esprits, les stagiaires immortalisent l’exploit par quelques photos d’usage. La truite combattive retrouve le chemin de l’étang, fatiguée et vaincue mais libre et vivante.

Les pêcheurs entreprennent alors de démêler la victorieuse paire de fils emberlificotés à dessein.
Le croirez-vous : au moment où les cloches de l’église proche sonnaient l’Angélus, stagiaires et moniteurs découvrirent que les fils n’étaient pas le moins du monde emmêlés, mais…, mais… ( j’en perds le souffle) ; mais, que le crochet de l’hameçon de la ligne lancée à la rescousse, s’était glissé à l’intérieur de l’anneau défaillant. Il y avait à peu près une chance sur quinze milliards que cela puisse arriver. C’est arrivé, c’est un miracle, l’Angélus le confirme.

Est-ce étonnant, sachant qu’il y a quelques siècles déjà, à Orval, une truite rapporta l’anneau d’or que Mathilde avait laissé glisser dans l’onde de la fontaine. Décidément, les truites,  l’Ardenne et les miracles sont liés à jamais.


La photo est de Benoit Sottiaux.
Le reportage (plus objectif celui-là) est paru dans “le Pêcheur Belge”  de mai 2016
www.lepecheurbelge.be

 


 

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Le chevreuil, prince d’Ardenne

Le chevreuil, prince d’Ardenne

Le chevreuil, prince d’Ardenne

Moins majestueux que le cerf, le chevreuil n’en reste pas moins un magnifique petit cervidé dont l’agilité n’en finit pas de surprendre. Son tempérament peu farouche dans certaines circonstances pourrait faire accroire que l’on connaît tout de lui, et pourtant.

 

Dérivé du latin “ capra „, chèvre, le nom latin du chevreuil est Capreolus capreolus. C’est un petit cervidé dépassant rarement 80 centimètres au garrot et 1,30 m de longueur, pour une courte trentaine de kilos. Il peut vivre une quinzaine d’années, dans de bonnes conditions.
Plus légère que le mâle, la chevrette s’en distingue extérieurement par l’absence de bois – mais l’observation de ceux-ci n’est pas toujours aisée – un corps en cône tronqué s’élargissant vers les membres postérieurs et, lors de la fuite, une tache blanche (miroir) en forme de coeur au niveau de l’arrière-train. Le miroir est en forme de fève chez le mâle.

Si la chevrette conserve sa dénomination toute sa vie durant, le vocabulaire de vénerie en attribue plusieurs au mâle qui devient chevillard entre 6 mois et un an. La pousse des premiers bois en fait un broquart* – à moins que, comme chez le cerf, on préfère alors l’appeler “ daguet „ en référence au bois dépourvu de ramification – puis un vieux broquart à partir de deux ans.

 

 

Affaire de bois

C’est aux environs du septième mois de son existence que le chevillard voit apparaître sa “ première tête „ composée de deux pivots qui serviront de base aux dagues dépourvues de meules qui apparaîtront à un an.

 

 

Daguet en velours

Jeune daguet en velours à l’entrée du printemps – Photo de Quentin Sab

 

 

La partie centrale – perche – se garnira ensuite de deux andouillers. Un broquart, si vieux soit-il, ne possédera donc jamais plus de trois “ pointes „ : seule une perlure plus ou moins abondante viendra ensuite marquer des ans l’irréparable outrage. Encore conviendra-t-il de ne pas trop s’y fier, tant il est vrai qu’à ce niveau comme à tous les autres la qualité du biotope et l’état de santé de l’animal observé jouent un rôle déterminant.

Les bois tombent au début de l’hiver, laissant une plaie sanguinolente qui va cicatriser très rapidement avant la repousse d’une nouvelle couronne recouverte de velours. Vers la fin-mars, une fois la minéralisation terminée, les chevreuils mâles vont se débarrasser de cette pellicule désormais inutile en frottant leurs bois tout neufs contre les arbres : c’est la fraie, redoutée par les sylviculteurs.

 

Un faux faux-rut

D’autant que ce comportement va se poursuivre bien au-delà de la fraie. L’activité hormonale du boquart l’incite en effet à marquer son territoire de la sorte jusqu’au mois d’août !

 

Chevrettes en rut

 

 

Tiens, parlons-en, de ces hormones et de tout ce qui va de pair(e) … Car la reproduction de ce beau mammifère forestier n’est pas spécialement du genre commun. Ni, soit-dit en passant, un modèle de galanterie masculine : c’est du rude !
Le rut proprement dit couvre principalement, en Ardenne, une période comprise entre la mi-août et la fin-septembre. Toutefois, par un phénomène de gestation différée, les embryons fécondés ne se fixeront que quatre à cinq mois plus tard.

Un second rut survient entre octobre et décembre, que l’on appelle improprement “ faux-rut „. Faux, en ce sens qu’il constitue en quelque sorte un rattrapage pour les femelles non fécondées ou mal fécondées lors du premier rut. Et à la différence de ce qui se passe lors de ce dernier, la gestation est directe.

La gestation “ vraie „ durant quelque cinq mois, dans un cas comme dans l’autre, les faons naîtront donc en mai-juin. Une portée en comprend généralement deux, capables de se mouvoir quelques minutes plus tard. Une vitalité qui va leur permettre de suivre leur mère dans ses déplacements jusqu’au moment ou ils pourront à nouveau se rouler en boule bien à l’abri d’un pelage tacheté les fondant admirablement dans leur environnement.

 

 

Laissez les faons tranquilles !

L’allaitement dure de 2 à 3 mois durant lesquels la chevrette ne sera jamais bien loin de ses rejetons, qu’elle défendra avec acharnement contre les prédateurs.

Sauf si l’un ou l’autre promeneur inconscient aux moeurs quelque peu anthropomorphiques (ce qui constitue généralement un pléonasme, tous animaux confondus) n’a pu résister à l’envie de les toucher : l’odeur humaine que la mère retrouvera partout autour de ses jeunes et surtout sur leur pelage à son retour condamnera alors invariablement ceux-ci à une mort par abandon ! Ce qui n’arrive qu’exceptionnellement en d’autres circonstances !

 

 

deux jeunes faons et chevrette

Ces jeunes faons sont hors de danger

 

 

Une fois sevrés, les jeunes resteront au sein d’une harde regroupant plusieurs familles jusqu’aux naissances suivantes. Les mâles adultes sont en général absents de ces regroupements, menant une vie solitaire à l’exception des périodes de rut.

Pour le reste, le chevreuil est un animal essentiellement sédentaire et forestier. Ses déplacements couvrent un territoire restreint à une cinquantaine d’hectares en moyenne, sur lequel il dispose de reposées où il passe la moitié du temps. Et, en principe, son système digestif digère peu ou mal les graminées sèches, ce qui limite ses incursions en terrain cultivé.
En principe, car certaines populations semblent s’être adaptées et mènent des incursions dans les champs au moment des cultures d’hiver.

 

Timidité à géométrie variable

Pour ce qui relève de l’observation, celle du chevreuil est à la fois d’une grande simplicité et… d’une certaine complexité. En fait, sur un territoire restreint qu’il connaît comme sa poche, il vous observera plus souvent que vous l’observerez, tapi dans un buisson à l’abri de son pelage variant du roux vif au gris-fauve suivant l’âge et/ou le biotope.

En fait, l’ouïe, et surtout l’odorat, semblent être les éléments déterminants dont il faudra tenir compte pour l’approcher : il ne sait proprement pas “ piffer „ l’être humain, et le moindre craquement de branche le met sur la défensive. Ce qui, paradoxalement, ne sera pas le cas d’un feulement de tronçonneuse ou d’un ronronnement de moteur.
Pour ce qui est de la vue, si celle-ci est excellente et très sensible aux contrastes, la position des yeux sur la boîte crânienne provoque un angle mort dont savent profiter certains prédateurs au nombre desquels les chiens errants font figure de véritables terreurs.

 

chevrette curieuse

Vous êtes repéré

 

 

Profitons-en pour rappeler l’adage affirmant à juste titre que “ tout chien chasse„. Même s’il s’avère très sympathique et citadin, un chien que son maître laisse courir partout en forêt “ pour qu’il fasse de l’exercice „ y mettra une pagaille monstre s’il n’y commet pas de dégât à proprement parler. Alors même si vous rêvez – à tort ou à raison – “ d’enquiquiner les chasseurs „, n’oubliez pas que c’est surtout la faune sauvage que vous enquiquinez …

Particulièrement vif lorsqu’il fuit les intrus, le chevreuil communique par des cris (mp3) que plus d’un ont confondu avec des aboiements. Signalons enfin que la mythologie celtique voit dans le chevreuil (blanc) le symbole du voyage de l’âme vers un nouvel état, après la mort.

 

Jeune faon dans les hautes herbes

N’est-il pas mignon ?


Ecrit par :Patrick Germain 14-10-2008
Crédit(s) photographique(s): Francis Gengoux

La photo du daguet en velours est de Quentin Sab : www.facebook.com/quentin.mesphotos

 


Note :

Nous avons retenu l’orthographe “ broquart „ plutôt que “ brocard „, bien que cette dernière tende – malencontreusement – à s’imposer.  Outre que la graphie broquart possède le mérite de mieux situer l’origine étymologique du mot (broques – pointes), elle évite clairement la confusion avec le “ brocard „ de même orthographe désignant une saillie – une “ pique „. Le “ brocart „ étant quant à lui une étoffe de soie brochée d’or et/ou d’argent. Sources :  “ Le Littré „
En Ardenne, on parlera souvent d’une gade (phon. Gatte), d’une grosse gade si elle est gravide, et d’un bô (bouc) ; en wallon, le chevreuil devient tchivrou.
Source :
•    Cours de chasse-pêche IPEAFP La-Reid 1974
•    A et J de Bavière : ” À propos du chevreuil” Le Perron éditeur 1983 ISBN 2-87114-000-6


 

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