Le plateau des Hautes Fagnes, le toit humide de la Belgique.
Le plateau des Hautes Fagnes, le toit humide de la Belgique.
Le promeneur avide de grands espaces qui s’aventure dans la réserve des Hautes Fagnes, là du côté de Botrange, s’imagine souvent découvrir des étendues désertes… de toute éternité. C’est faire fi de l’histoire du Haut Plateau que le travail des hommes a lentement façonné…
Juché au faîte de la Belgique, ce territoire présente un sous-sol foncièrement imperméable. Cette caractéristique lui vient de ses argiles, fruits de la désagrégation de très vieilles roches d’origine cambrienne.
Il constitue, de plus, le premier obstacle que doivent franchir les nuages saturés d’eau poussés par les vents dominants, d’origine maritime. Ainsi s’explique ces records annuels de précipitations : 172 jours de pluie, 43 de neige…
Ces pluies abondantes s’infiltrent dans les bordures limoneuses des crêtes pour resurgir plus bas, sur les versants, sous forme de bas-marais suintants. Ces derniers sont bientôt colonisés par des mousses particulières, les sphaignes, et par les linaigrettes.
Rendu très acide par la nature de son sous-sol, ce milieu aquatique n’est guère favorable à la présence des organismes décomposeurs: ce qui y meurt ne pourrit pas, il s’accumule sous forme de couches mortes que les siècles accumulent. Ainsi naît la tourbe, matière végétale pratiquement non décomposée… La tourbe forme les tourbières, écosystèmes inféodés à l’eau: nappes sur lesquelles baignent les tapis de sphaignes et eau de pluie… Si notre promeneur pouvait, par la magie d’une machine extraordinaire, remonter le temps d’une dizaine de milliers d’années, il découvrirait, de la crête de Botrange, (comme partout ailleurs sur le territoire de l’actuelle Belgique) une forêt immense aux essences variées, seulement entrecoupées par ces « clairières » bombées que formaient alors les tourbières… La hêtraie s’imposait près des crêtes, la chênaie-boulaie (chênes et bouleaux) sur les sols plus humides des versants, l’aulnaie près des suintements d’eau ou bas-marais.
Et puis vinrent les villageois…
Malgré la rudesse de ce micro-climat froid, généré notamment par l’évaporation excessive de cette région à forte pluviosité, les voici qui exploitent la forêt, inlassablement : les besoins sont nombreux, bois d’œuvre, de chauffage, charbonnage des matières ligneuses…
Peu à peu dénudées, ces zones découvrent ces landes superbes que nous admirons tant, aujourd’hui. Elles deviennent propices à la pâture des cheptels villageois : moutons, bœufs et génisses, vaches…
La tourbière est drainée puis asséchée. Elle offre alors sa tourbe, combustible du pauvre…
Les voici qui exploitent la forêt…
La Fagne s’est ouverte. Grâce au travail de l’homme, elle a, peu à peu, pris le visage que nous lui connaissons aujourd’hui…
Fruit d’un fragile équilibre, menacée par la pollution atmosphérique, le piétinement, l’invasion de graminées, elle présente les caractéristiques d’un climat « boréo-montagnard » voire même « atlantique ». Sa flore est spécifique des zones montagnardes de 1000 mètres d’altitude ou des régions de l’extrême nord de l’Europe. On y trouve aussi des espèces inféodées aux côtes des pays scandinaves.
Oui, la Fagne est bien un joyau fragile et méconnu… qui valait bien d’être mis en « réserve ». Cette opération commença en 1957. Depuis lors, son accès commence à être réglementé. C’est que le propre d’une réserve naturelle est de protéger la faune et la flore, de préserver les paysages. Ici, le promeneur est toléré, sans plus. Avec l’apparition des « Zones C », les territoires les plus fragiles ou les plus menacés ne sont plus accessibles qu’à certaines périodes de l’année sous la conduite d’un guide mandaté par la Région wallonne.
Il fallait bien cela pour protéger un patrimoine d’une telle valeur.
Ecrit par : Michel Caps 29-10-2007
Photos : Francis Gengoux / François Rion
Où est la Maison du Parc – Signal de Botrange
Botrange - Maison du Parc
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