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Le hameau d’Ollomont, sa curieuse chapelle et son vieux cimetière – Nadrin/Houffalize

16 Nov, 20 | lieux

Si Ollomont est connu pour la physionomie intrigante de sa blanche chapelle et du vieux, très vieux cimetière qui en constitue le jardin, le hameau lui-même insuffle un sentiment de sérénité.  Ici, tout est calme, luxe (pour qui convient que la sérénité est un luxe) et volupté (pour qui convient que la sérénité est volupté). Le gentil ruisseau qu’Edmond Dauchot a si souvent photographié s’en va vers l’Ourthe, parfois tumultueuse, parfois apaisée. Pour un explorateur de l’Ardenne, le passage à Ollomont s’impose.

 

 

 

Le hameau d’Ollomont, calme et ramassé, regarde un large horizon de brumes et de bois où l’Ourthe serpente entre les hauteurs. Une butte rocheuse, ceinturée par les vieux murs en schiste du cimetière, le termine à l’ouest. Au milieu des herbes et des tombes aux croix tordues ou droites, noires ou grises, s’élèvent des murs blancs qui intriguent, gais sous le soleil, un peu tristes sous la pluie. Ce sont les vestiges énigmatiques de la chapelle Sainte-Marguerite.

C’est ainsi que Francis Genicot  présente le rapport  de fouilles effectuées au milieu des années ’60 autour de cette mystérieuse chapelle.

L’auteur précise également que l’endroit est « attachant ». Et bien évidemment que l’endroit est « attachant », c’est le moins qu’on puisse dire. Du centre du village de Nadrin, la route qui rejoint le cœur d’Ollomont regroupe les constructions les plus récentes. Elles ne sont que quelques-unes,  et encore, récentes est un grand mot, la plupart sont encore bâties en pierres du pays. Le vieux village s’ouvre très vite sur une placette fleurie et un vieux chariot en bois qui sert de pot de fleur géant à la bonne saison. Il est vrai que le hameau est inscrit au concours des plus beaux villages fleuris organisé par la province du Luxembourg.

Une vingtaine de bâtisses, parfois fort bien restaurées, parfois pas, composent le quadrilatère de petites routes encerclant la chapelle et le cimetière. Beaucoup de ces maisons sont crépies et blanchies, ce qui est une caractéristique de l’architecture ardennaise ancienne. Les murs extérieurs étaient crépis à l’argile afin de protéger la maçonnerie dont le mortier était lui-aussi fait d’argile, beaucoup plus friable que le ciment.
Ces bâtisses sont anciennes, ça se voit, ça se sent, c’est authentique. Mais elles ne sont certainement pas les constructions d’origine du lieu. Car si on ignore avec exactitude à quand remontent les premières habitations, il est établi qu’Ollomont est un des plus anciens villages de l’actuelle commune d’Houffalize. Des indices  archéologiques parleraient de l’an 1015. Il n’y aurait rien d’étonnant  puisqu’on sait  que la région fut fréquentée bien avant cette période ; les traces de la « Villa romaine » de Nadrin en attestent.

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La chapelle Saint-Marguerite et le cimetière.

 

 

Installée sur un surplomb rocheux, la chapelle Saint-Marguerite est encadrée par le cimetière, lui-même ceinturé d’un mur en schiste très ancien dont les pierres du sommet sont mises sur chant (càd dressées plutôt que posées à plat).

L’aspect de cette chapelle est vraiment curieux, « on n’a jamais vu ces formes architecturales ailleurs » se dit le promeneur ou le photographe.
Et pour cause, l’explication  est somme toute fort simple : cette chapelle affiche les vestiges conservés d’une église qui a été démontée pièce par pièce.

Car si l’édifice est un peu moins ancien que les premières habitations du village, l’église (romane) est quand même datée du 12ème ou 13ème siècle. Là encore, les origines restent très floues. La chapelle fut citée une première fois dans des documents de 1354 ; citée ne veut pas dire bâtie. Elle est certainement plus ancienne, probablement édifiée sur les ruines d’une autre église en bois encore plus ancienne. A moins qu’elle ne prenne place sur un ancien ermitage ? Mais que ferait un ermite sur un éperon rocheux, alors qu’un ermite a plutôt pour habitude de chercher solitude et discrétion ? Cet éperon rocheux, n’était-il pas auparavant un lieu fortifié ? Malgré les fouilles organisées en 1965, les questions restent extrêmement nombreuses, de quoi nourrir  les discussions des archéologues et historiens, et de quoi – pourquoi pas – alimenter de nouvelles légendes ardennaises.

Durant sa longue vie de plusieurs siècles, la chapelle, ou plutôt l’église puisqu’elle avait les proportions d’une église avant qu’elle ne montrât son aspect actuel, a subi de nombreuses modifications. Transformée entre 1739 et  1745, elle fut encore agrandie en 1872-1873. Il existe des photos et des croquis présentant l’état  du bâtiment de cette époque, c’était sans conteste la physionomie d’une vraie grande église de village.

En 1907, on la jugeait pourtant vétuste, et la paroisse divisée sur la question depuis quelques années prit clairement le parti de créer un nouveau lieu de culte à Nadrin. L’antique sanctuaire fut donc démonté, les matériaux servirent à l’édification de l’église de Nadrin. On ne conserva que la tour et le clocher ainsi que les absidioles qui l’encadraient.

Et patatras, après 1909, alors que le siège de la paroisse prenait définitivement place à Nadrin, le sommet de la tour s’effondra, sans-doute affaibli par le démontage de l’architecture principale. Un toit à deux pans fut placé au niveau où les murs étaient restés debout.

Tant le cimetière que la chapelle sont classés sur la liste des monuments historiques de Wallonie. La chapelle bénéficia d’une réfection importante en 1961.

 

 

 

Restitution de l’église d’Ollomont réalisée par L.F. Genicot. En rouge, nous y avons superposé les volumes subsistants.

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Sainte-Marguerite, fêtée le 20 juillet, est patronne de la paroisse et de la chapelle.

 

 

Née en Syrie à l’époque où Rome et ses légions dominait le monde connu, Marine comme elle s’appelait avant de devenir Marguerite, se convertit et souhaita vivre dans une communauté chrétienne. Son père outré de colère la chassa.

Après 2 ans de voyage, elle atteignit notre terre d’Ardenne très boisée, rude et sévère, où tout faisait contraste avec la patrie fleurie et riante d’où elle avait fui. Elle tint ce pays pour la borne du monde. En suivant les méandres de la rivière Ourthe, Marguerite parvint un jour à la partie la plus sauvage de la vallée (c.à.d. entre le confluent des deux Ourthes et Maboge). Là, elle rencontra, plantée au bord de l’eau, une haute aiguille de schiste ressemblant à un menhir.

Au pied de cette roche, elle remarqua une excavation assez vaste et haute et bien exposée au midi qui s’offrait à elle comme un gîte sûr. Elle connut à ce signe que là devait s’arrêter sa marche d’errante et que là se fixerait pour un temps sa destinée. Elle rencontra les habitants de l’endroit, des Celtes. Elle aida aux travaux des champs et des bois, donna de si bons conseils que les récoltes furent plus riches que jamais. Tous l’aimaient et la vénéraient.

Pourtant, elle annonça un jour qu’il lui faudrait rentrer dans son pays. Malgré les protestations de ses amis, elle partit.

Revenue en Orient, Olybrius préfet d’Antioche voulut en faire sa femme. Son refus la condamna à mort, le préfet la fit décapiter.

Cependant, si vous avez de mauvaises lectures, vous croiserez certainement un ou l’autre témoignage qui soutiendra que Marguerite n’est jamais passée par Ollomont. C’est faux évidemment. smile

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_d%27Antioche

La Cresse  Sainte-Marguerite

 

 

En 1906 les habitants d’Ollomont déposèrent une statue de la Sainte sur la tête de rocher  où elle vécut, à quelque pas du village. C’est là qu’elle était censée avoir vécu du moins, car de mémoire d’homme, personne ne se souvient d’un quelconque aïeul qui l’aurait connue.

Bien entendu, les légendes locales qui revisitent sans cesse l’histoire donnent au cours des siècles une multitude de versions. Ainsi, Marguerite ne serait certainement pas morte en Orient mais bien là où elle avait passé la majeure partie de sa vie, dans la grotte (une légère excavation en réalité) creusée sous la « cresse », un mot wallon qui signifie « crête ».

Il se dit que, à sa mort, les habitants d’Ortho (ah ! les vauriens) auraient voulu déplacer le corps de la défunte sur un char que les chevaux de l’attelage, pourtant nombreux,  n’arrivèrent pas à déplacer. Il se dit dans d’autres chaumières que ce sont les habitants d’Hubermont (ah ! les chenapans) qui auraient tenté d’emporter la dépouille ; qu’ils échouèrent également. Ce qui rassemble les conteurs autour des âtres villageois d’Ollomont, est que, seul un paysan du hameau put, avec un attelage très léger, déplacer le corps jusqu’au cimetière que nous connaissons bien désormais.

Mais, sans doute, l’appel des racines tenaillait-il Marguerite, même morte. Car le lendemain de son déplacement au village, son corps disparut du cimetière et à la place, on trouva une lourde statue de bois. Ce serait celle qui accueille maintenant les fidèles à l’église de Nadrin.

La petite balade de 4,5 km, au départ du centre de Nadrin, passe par là. Nous passerons sur le seuil de ce qui fut l’habitat de Marguerite, et longerons l’Ourthe sur sa rive droite. Puis il nous faudra remonter vers la route du Hérou. Nous aurons le choix de rentrer par le chemin le plus court pour boucler les 4,5 km, ou de bifurquer vers le Rocher du Hérou qui prolongera un peu la balade. C’est peu praticable avec une poussette, surtout dans la première partie entre Ollomont et la rive de l’Ourthe qui descend par un chemin un peu escarpé.

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Edmond Dauchot, le photographe de l’Ardenne d’autrefois.

 

Edmond Dauchot à sa table de travail – page extraite de « Edmond Dauchot – le photographe de l’Ardenne d’autrefois »

 

Né en 1905 dans la province du Hainaut, au sein d’une famille de petits industriels, Edmond Dauchot ne se sentait pas imprégné du  sens des affaires. L’entreprise, les chiffres ne l’intéressaient guère, il se classait plutôt parmi le « contemplatifs ».

En 1930, avec sa jeune épouse, il quitta la briqueterie familiale et trouva à s’installer dans un petit, très petit, hameau de la commune de Nadrin. Le presbytère d’Ollomont  était inoccupé, il l’acheta et s’y posa.

Il n’était pas fortuné, mais pouvait se prévaloir d’une certaine aisance qui lui permettait de vivre sans excès. On se doute que l’héritier d’une famille de bonne bourgeoisie qui s’installe à Ollomont ne cherche pas la vie de château. Ce qui motive Edmond, c’est l’observation, oui décidément, c’est bien un contemplatif. S’il contemple son nouvel environnement et ses nouveaux voisins, il est amusant de deviner combien il dut lui-même être observé, analysé, jaugé même, par les villageois. Dame, à l’époque, les villages ardennais vivaient en vases clos.

La simplicité, et très probablement la discrétion du nouveau venu durent plaire aux rudes Ardennais. L’intérêt qu’il portait à la vie et aux activités du village l’aida sûrement à passer l’examen d’admission au sein de la petite communauté.

Il tâta un peu de la peinture, fréquenta – toujours un peu – quelques artistes ardennais, mais c’est avec sa découverte de la photographie que son appétit d’observation prit toute sa dimension et s’assouvit. S’il était motorisé – une motocyclette d’abord, une petite automobile par la suite – c’est surtout à pied qu’il se déplaçait. Les quelques clichés rapportés d’une ou l’autre excursion au Grand-Duché sont rares. Par contre, c’est plus de 18.000 négatifs qu’il a laissés de ses expéditions locales. Il avait bien conscience qu’il fallait, d’urgence, immortaliser un monde qui changeait très vite, un monde qui disparaissait.

« Elle [l’Ardenne] vécut ou fut vécue, elle se meurt ou elle est morte sous beaucoup de ses aspects. L’intensif progrès matériel ne l’a pas encore définitivement anéantie, mais il l’a amoindrie, altérée jusqu’à n’en plus laisser subsister que des restants. A preuve, ces bouquets de photographies d’un passé proche, comme des touffes d’immortelles qui se dessèchent lumineusement dans des vases : curieuses, jolies, vives encore et émouvantes de souvenirs. Elles rappellent une belle saison en allée. » (1971)  (note d’Edmond Dauchot relevée par Jacques Cornerotte dans Regards d’Ardenne n°3 – 2013)

Ceux qui aiment l’Ardenne, sa terre, son mirage,  ne lui seront jamais assez reconnaissants d’avoir écrit en images cette vie âpre et paisible que le temps a laissé filer entre nos doigts.

Edmond Dauchot disparut en 1978.

Les livres consacrés à Edmond Dauchot

Ardenne, 35 photographies sur des textes d’Octave Servais – éd. PIM services 1938 (plusieurs bibliographies annoncent la date de 1958, peut-être est-ce une réédition)

Ardenne bien aimée, préface d’André D’Hotel, Duculot 1976

Ardenne Buissonnière, Jean-Pierre Orban, Edmond Dauchot, journal et photos 1937-1971, Duculot 1984

Edmond Dauchot, Le photographe de l’Ardenne d’autrefois, René Hénoumont, introduction de Georges Vercheval – La Renaissance du livre 2000

L’Ardennais, photographies d’E. Dauchot, commentaires d’A. Moxhet, Bastogne Musée en Piconrue 2012

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En 2011, la famille d’Edmond Dauchot a confié la gestion du fonds photographique de son aïeul au Musée de la Grande Ardenne en Piconrue à Bastogne.
Le désir de la famille était de permettre la valorisation de cette oeuvre composée de plus de 18.000 négatifs.

Depuis, le musée relève le défi au travers de publications dont « l’Ardennais », ouvrage de plus de 300 pages publié en 2012 et déjà réédité depuis. Le texte a été confié à un spécialiste de l’Ardenne : Albert Moxhet. Quant aux images, le regard, c’est celui d’Edmond Dauchot, le grand photographe qui sut voir et donner à voir l’Ardenne d’autrefois dans sa vérité singulière.

Vers le musée En Piconrue

Omer Englebert, romancier, essayiste et biographe.

Edmond Dauchot ne fut pas le seul artiste renommé ayant occupé les lieux. Omer Englebert naquit à Ollomont en 1893. À 16 ans, il quitte son village pour faire des études en divers établissements franciscains. Il mena une carrière ecclésiastique, fit de nombreux voyages et donna de nombreuses conférences.

En traversant le village, en parcourant les ouvrages consacrés aux photos de Dauchot, on comprendra pourquoi le « Père Omer » n’a pas pu oublier son village natal. Ses nombreux écrits comptent deux romans dont le titre ne laisse aucun doute sur l’origine géographique qui les a inspirés : « Le curé Pecquet (1934) » suivi de « La sagesse du curé Pecquet (1935) ». Lorsqu’on sait que le nom de famille apparait sur les tombes du vieux cimetière et que ce patronyme si sympathique aux Ardennais et aux Liégeois*  est encore bien ancré dans le village, il n’y a aucun doute sur les modèles qui ont servi au romancier.

* de Pecquet à Peket, il n’y a qu’un pas, à peine une goutte

Anecdote

Pour compléter la série de photos d’illustration, nous sommes passés deux fois à Ollomont. En automne, un jour de semaine en matinée. Là, il était possible de s’immerger dans le calme du lieu, de papoter avec trois ou quatre habitants sympathiques qui vaquaient à leurs occupations. C’est ainsi que j’ai rencontré René, qui me raconta la découverte d’un puits maçonné de six mètres de profondeur alors qu’il aménageait la vieille étable en gîte rural. René a eu le bon goût de préserver ce témoin de l’incroyable labeur dont étaient capables les « anciens ». Où allaient-ils chercher le courage de s’attaquer à de tels travaux, équipés d’un outillage qui paraîtrait dérisoire aujourd’hui ? Le puits fut probablement condamné lorsque les canalisations d’eau courante furent installées.

www.facebook.com/AuVieuxPuitsOllomont

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Rédaction et photos : Fr. Rion – 2020
Sources : La chapelle Sainte-Marguerite à Ollomont – Rapport de fouilles – Ardenne et Famenne n°1 – 1966  /  Trésors d’Ardenne- Musée En Piconrue -1987  /  Service du Livre Luxembourgeois
Syndicat d’Initiative de Nadrin  /  Les ouvrages consacrés à Edmond Dauchot
Merci à Pierre Nicolas pour la relecture

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