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L’épicéa, ce sapin qui n’en est pas un

L’épicéa, ce sapin qui n’en est pas un

L’épicéa, ce sapin qui n’en est pas un

Ce conifère familier que l’on voit partout en forêt occupe près de la moitié des surfaces forestières de l’Ardenne.
On le croise principalement en Haute-Ardenne, au-dessus de 400 mètres d’altitude où il trouve un sol et un climat très propices à son développement.

 

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Au printemps, les jeunes aiguilles donnent de très jolies couleurs aux lisières.

 

Si on reconnaît au chêne son appartenance à la noblesse forestière, l’épicéa incarne plutôt la classe laborieuse. Il se prête sans broncher à tous les usages. Il se laisse scier pour fabriquer du bois de charpente ou de menuiserie; très jeune, il se laisse déterrer pour porter les guirlandes et les boules de noël dans nos salons. Jeune, il se laisse découper pour se transformer en piquets, poteaux ou tuteurs. Il se laisse hacher et malaxer pour devenir pâte à papier ou panneaux de particules; et se laisse compresser pour se sacrifier au feu sous forme de pellets qui alimentent nos poêles ou nos chaudières industrielles.

Ce silencieux polyvalent pousse l’abnégation jusqu’à ne pas se plaindre lorsqu’on l’appelle “sapin”. Car l’épicéa n’est pas un sapin, il est un résineux certes, mais d’un autre genre botanique que les sapins. Les sapins vivent dans les sapinières, alors que l’épicéa forme des pessières.
Il porte ses graines dans des cônes qui pendent aux branches… et puis qui tombent. Ce sont ces cônes que les enfants ramassent au bois et ramènent aux parents en disant: “voici une pomme de pin”. L’épicéa passe maintenant pour un pin, et ne se plaint toujours pas, un caractère en or cet épicéa.

Un Ardennais d’adoption

 

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Il pousse vite, et son tronc est droit.

 

Disons de l’épicéa qu’il s’est très bien intégré, car en fait d’Ardennais, il ne l’est pas depuis très longtemps. L’épicéa n’est pas une essence indigène, son implantation en Ardenne date de la moitié du 19 ème siècle seulement.
Son introduction fut très utile en ce temps-là pour reboiser rapidement l’Ardenne – car il pousse vite – que l’exploitation excessive des siècles précédents avait ruinée.

Avant l’utilisation du charbon, la métallurgie naissante avait vidé l’Ardenne de ses forêts exploitées pour fabriquer du charbon de bois. Les hauts-fourneaux se sont ensuite déplacés vers les bassins houillers, mais la forêt était rasée. Les mines de charbon réclamaient elles-aussi du bois en quantité, pour étançonner les galeries. L’épicéa convenait très bien à cet usage également avant d’être supplanté par le pin sylvestre. La haute-Ardenne était encore constituée de terrains dit “incultes”, les fagnes et les impressionnantes étendues de landes à bruyères considérées sans intérêt, qu’il fallait donc valoriser. L’entreprise de plantation de grande envergure prenait son envol, entraînée par la fièvre du progrès.

 

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De belles grumes attendent le transport vers la scierie.

Mais trop, c’est trop.

L’épicéa, s’est avéré être une aubaine économique, c’est indiscutable et c’est toujours le cas. Il est apprécié des utilisateurs pour sa polyvalence, on l’a dit. Il grandit vite, c’est un avantage économique certain; et son tronc pousse particulièrement droit, ce qui facilite un sciage de qualité pour les bois d’oeuvre.

 

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En effet, il n’ y a pas beaucoup de lumière dans cette jeune pessière.

 

Ses désavantages reposent plus sur la manière par laquelle il est cultivé que sur l’arbre proprement dit.
Jusqu’à la fin du 20ème siècle, avant la prise de conscience environnementale, l’épicéa était planté en rangs très serrés. Les jeunes arbres, sous l’appel de la lumière et jouant sur la concurrence  grandissent plus vite. Dans l’ombre, les branches basses ne se développent pas et ne forment pas de noeuds dans le tronc. Tout cela est très utile économiquement, mais le résultat donne un couvert forestier dense à travers lequel la lumière ne passe pas.
Pas de lumière, pas de végétation sous les épicéas. Pas de végétation, pas de vie; pas de vie pas de biodiversité. Une parcelle d’épicéa est un désert disent les plus sévères.

 

Toujours soif cet épicéa

 

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L’épicéa est encore trop souvent exploité en « Mise à blanc ». La parcelle est complètement rasée avant la replantation; ce qui expose les parcelles voisines aux vents et peut provoquer la chute des jeunes arbres : des chablis.

 

Grand buveur (d’eau) c’est sur les écosystèmes humides que son impact s’est montré le plus significatif. Son installation massive dans les zones humides, principalement dans les Hautes-Fagnes, a sérieusement menacé les réserves hydriques que constituent ces biotopes particuliers. Au point que cent cinquante ans après la colonisation forcée des lieux par l’épicéa, l’action humaine amène à retirer l’espèce plutôt qu’à l’entretenir. La gestion des forêts se tourne désormais vers un équilibre plus fin entre la conservation des milieux naturels et la production économique.

Quoi qu’il en soit, l’épicéa a fait son lit en Ardenne et ses hautes ramures vert-foncé resteront une caractéristique familière du paysage ardennais.

Fr. Rion / 2016

 

 

En 2 mots : Épicéa commun (Picea abies)

Une “pesse” ou “sapine”, un “spéciyâ” selon le wallon pratiqué.

Un peuplement d’épicéas s’appelle une pessière

Les aiguilles sont uniformément vertes sur les deux faces, longues de 15 à 25 mm. Les cônes pendent aux branches, ils mesurent une dizaine de centimètres.

Croissance rapide, d’une durée de vie d’au moins 200 ans en Haute-Ardenne. Il est exploité pour les scieries beaucoup plus tôt, vers 60 à 80 ans. A cet âge, la hauteur atteint près de trente mètres. Dans les Vosges, qui sont probablement le berceau des épicéas d’Ardenne (ainsi que la région des Carpathes), on trouve facilement des arbres de 50 mètres et plus.

Son enracinement est “traçant”, les racines pénètrent peu dans le sol mais s’étendent à l’horizontale à faible profondeur. Il peut donc tomber rapidement en cas de grands vents.

Bois blanc, considéré comme tendre et moyennement durable.
Son bois est très souvent utilisé traité superficiellement en charpente, ou imprégné en profondeur pour les usages extérieurs.
Très utilisé comme bois industriel, pour les pâtes à papier et panneaux divers, les piquets et les poteaux. Il est répandu en Europe dans les régions montagneuses, Alpes, Jura …, avec des variétés de plaine dans les pays nordiques d’où il est importé scié sous le nom de “Sapin blanc du Nord“.

Au canada, on le connaît sous le nom d’Epinette.

Saviez-vous que …

L’épicéa est le bois le plus utilisé en lutherie.

On l’appelle « bois de lutherie » ou encore « bois de résonance » lorsque les planchettes d’épicéa sont utilisées pour fabriquer les instruments à corde, les violons, violoncelles, guitares, mandolines, ukulélés, luths etc…
Si l’érable est préféré pour confectionner les fonds de ces instruments, l’épicéa sert à fabriquer le corps et la tablette supérieure. Par sa légèreté et sa faible densité, il est tout à fait indiqué pour offrir la meilleure résonance aux notes composées par le musicien.

Il faut évidemment relever en forêt des troncs sans le moindre défaut physique. L’arbre doit présenter une forme conique irréprochable, il ne peut pas y avoir de tension entre les fibres du bois. Aucun nœud ne doit apparaître évidemment, ils déformeraient le son et fragiliseraient la structure très fine des pièces de bois utilisées sur les instruments.

Plus étonnant, les cernes de croissances qui, d’année en année, forment la matière ligneuse et font grossir l’arbre doivent être aussi régulières que possible. Ce qui n’est pas garanti lorsqu’on sait que la croissance des arbres est directement liée aux conditions climatiques subies par la forêt. Les sécheresses de 1976 et 2003 ont, par exemple, diminué très fortement la croissance des arbres. Ces différences de largeur  des cernes peuvent elles-aussi nuire à la sonorité.

Si vous saviez déjà tout ça, soit vous êtres un génie, un violoniste ou un luthier (on peut être à la fois génie ET violoniste ET luthier), soit vous aviez déjà lu la source principale ce paragraphe  dans le n° de janvier-mars 2020 de « Forêt Nature » :

https://foretnature.be

 

La photo d’illustration provient du site web de l’Ecole Internationale De Lutherie de Marloie (Marche-en-Famenne / Belgique).  Notons que les locaux de l’école présentent également une exposition permanente sur la construction des instruments du quatuor à cordes et vous emmène à la découverte d’instruments particuliers et des œuvres contemporaines du Maître luthier Gauthier Louppe.

https://www.ecoledelutherie.eu/

 

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L’oxalis petite oseille, trois en une

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Chère surelle ! Combien de fois n’ai-je succombé au goût délicatement acidulé de tes feuilles ! Et médité sur elles, sur tes fleurs.

Bon, je vous préviens tout de suite : si, après avoir lu cet article, je vous surprends encore à pisser n’importe où, je vous mords sauvagement l’oreille ! C’est clair ? Non mais c’est vrai, quoi ! Est-ce que j’urine sur votre garde-manger, ou sur votre pharmacie, moi ?

Bref : l’oxalis (ou oxalide) petite oseille fait partie de ces trésors sur lesquels nous avons tous marché un jour ou l’autre, sans même nous en rendre compte. Et c’est bien dommage.
Car, en l’occurrence, les usages domestiques et médicinaux de cette plante commune sous nos latitudes sont innombrables.
Attention toutefois aux abus : le sel d’oseille, tiré de l’acide oxalique qui a donné son nom à la plante sert, entre autres, à effacer les taches d’encre ou à nettoyer les cuivres ; il attaque les teintures et serait… un bon détartrant pour les radiateurs d’automobiles. Besoin d’un dessin ? Par ailleurs, les personnes souffrant de lithiases et de la goutte s’en interdiront toute consommation.

oxalis_4Ceci étant entendu, mâchonner quelques feuilles de surelle coupe la soif tout en chatouillant subtilement les papilles. Vous trouverez également, à la fin de cet article, la recette d’une infusion qui, bien fraîche, joindra l’utile à l’agréable en remplissant votre gourde.

La fleur de l’oxalis petite oseille est blanche, délicatement veinée de lilas, de mauve ou de bleu. Elle s’épanouit généralement aux environs de Pâques (d’où l’un de ses surnoms : « alléluia ») et, à l’instar de ses feuilles, se penche et se replie sur elle-même la nuit ; ou lorsque la lumière vient à manquer significativement, durant la journée.
La fleur ? La première. Car une seconde floraison, beaucoup plus discrète bien qu’abondante, a lieu durant l’été.

oxalis_5_surelleLa symbolique ? Au lieu de courir après Arduinna sait quoi, arrêtez-vous donc un instant et, si ce n’est qu’une fois dans votre vie, regardez bien. Ternaire des feuilles (en forme de cœur, qui plus est) ; bipolarité dans l’unité à travers les propriétés médicinales ; photopériodisme ; abondance dans ce qui est voilé…

Mais, bien sur, on peut parfaitement vivre sans ça. Et préférer signer des pétitions.org pour la protection du gnou en Patagonie orientale, avec la photo du Dalaï-lama en fond d’écran. Mais je m’égare, je m’égare : à bientôt en Ardenne, pèlerin. Et pas pipi partout, hein ! Sinon…

Ecrit par :Patrick Germain / 2007

Note :
Oxalis acetosella L.
Surelle – Pain de coucou – Alléluia – Trèfle aigre – Oseille du bûcheron
Wallon : coucou
Infusion de surelle : 15 grammes de feuilles pour un litre d’eau bouillante. Infuser 5 minutes et laisser refroidir. Psst ! La gourde : en inox. Ou alors dans une bouteille thermos. Propres. J’dis ça , j’dis rien, hein…


 

Dormir, manger, bouger en Ardenne

L’Ardenne couvre en Belgique, la province du Luxembourg, le sud et l’est de la province de Liège et le sud de la province de Namur. En France elle s’inscrit dans le département des Ardennes. Elle se prolonge au Grand-Duché de Luxembourg sur la province du nord, l’Oesling.

Vous trouverez sur les sites ci-dessous toutes les adresses afin de passer un bon séjour touristique en Ardenne.

Le site officiel du tourisme dans les Cantons de l'Est
Le site officiel du tourisme en province de Liège

Le site officiel du tourisme en province de Liège

Le site officiel du tourisme en province de Namur

Le site officiel du tourisme en province de Namur

Le site officiel du tourisme en Ardenne française

Le site officiel du tourisme en Ardennes française

Le site officiel du tourisme en Ardennes luxembourgeoises

La linaigrette

La linaigrette

La linaigrette

Même si sa relative rareté lui confère un je-ne-sais-quoi de noblesse supplémentaire, la linaigrette partage avec le pissenlit un mode de reproduction anémophile (cul et chemise avec le vent, allez djan…) auquel on doit les jolis champs neigeux parsemant les habitats fagnards au mois de mai.

 

Dès le mois de mai, elles blanchissent les fagnes. On les trouve partout dans les Hautes Fagnes, ou ici, dans la Fagne des Tailles près de la Baraque de Fraiture.

Dès le mois de mai, elles blanchissent les fagnes. On les trouve partout dans les Hautes Fagnes, ou ici, dans la Fagne des Tailles près de la Baraque de Fraiture. Photo de Michel Humblet.

 

La faune et la flore de ce que Julos Beaucarne appelle plaisamment – et non sans raison – nos “petites Sibérie” fagnardes indique qu’elles ont constitué au fil des âges autant de refuges biologiques pour des espèces désormais confinées dans des habitats beaucoup plus nordiques, plus élevés, ou plus atlantiques. Relique parmi d’autres de ces époques successives de l’histoire ardennaise, la linaigrette compte au nombre des plus spectaculaires. Par ses graines.

Car ce sont bien aux graines que l’on doit les jolis champs neigeux qui parsèment les fagnes au mois de mai : au même titre que le pissenlit, la belle est anémophile et confie à des soies porteuses l’éolienne dissémination de sa descendance. La fleur à proprement parler, qui apparaît au début du printemps, est minuscule.

 

Les flocons du printemps en Fagne.

Les flocons du printemps en Fagne. Photo de Michel Humblet.

 

Trois espèces distinctes de linaigrettes adornent ainsi les âpres solitudes comme autant de transitions métaphoriques entre la supposée morte saison et celle de toutes les promesses : la linaigrette engainée (vaginatum), la linaigrette à plusieurs épillets (polystachium) et la linaigrette à larges feuilles (latifolium). Les deux dernières citées, par la multiplication de leurs épillets, s’avérant particulièrement douées pour le pointillisme paysager.

En des temps pas si lointains, il était de coutume de ramener quelques épis de ses incursions fagnardes quand, à l’instar de ce qui se pratiquait avec le genêt à balais, il ne s’agissait pas d’en témoigner avec plus ou moins de tapage sur la calandre des automobiles. Faut-il préciser que, les belles étant désormais protégées, la perpétuation de cet usage risque de valoir quelques ennuis à nos visiteurs s’en retournant vers les basses terres ?

 


Écrit par : Patrick Germain /2008
Photos : Pat. Germain et Michel Humblet > voir sa page Facebook

Note :Eriophorum vaginatum(L) – polystachium (Honckeny) – latifolium (Hoppe).
Oreiller du pauvre – jonc à coton
Wallon  : tchitchoûle

Source :
Fagne, mon pays – Freyens – Fédération du tourisme de la province de Liège – 2° Les Hautes Fagnes – Schumacker / Noirfalise – Ibid + ASBL Parc naturel des Hautes Fagnes Eifel – 1° Guide de la Fagne – Freyens – Marabout 1967


 

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Il est pratiquement impossible de passer à côté d’une touffe de digitales pourpres sans remarquer la belle prestance de leurs hampes florales dressées en pleine lumière tout au long des chemins d’Ardenne. Mais attention : la belle est redoutable !

 

(suite…)