Wéris : dolmens et menhirs en Calestienne
Ni Obélix, ni le Diable, ne sont pour rien dans le bel ensemble de mégalithes entourant la petite localité de Wéris. De là à dire que ces monuments ont livré tous leurs secrets, il y a un pas que nous nous garderons bien de franchir.
Un jour sans doute découvrira-t-on la nature de quelque phénomène vibratoire faisant de la Calestienne, serpent calcaire étirant ses quelque 130 kilomètres aux pieds de l’Ardenne, une région particulière où tout semble plus paisible, plus lumineux. Car même en ignorant la fertilité du sol et sa richesse aquifère, cette bande de terre large d’à-peine quatre kilomètres regorge d’endroits où l’on se dit qu’il doit faire bon vivre. Ce que ne semblent pas démentir les habitants.
Et l’on peut supposer que les populations influencées par la culture dite de Seine-Oise-Marne, remontant du bassin parisien, ont ressenti les mêmes émotions lorsqu’elles sont parvenues dans les environs de ce qui ne s’appelait pas encore Wéris, au troisième millénaire avant l’ère chrétienne.
C’est à elles que l’on doit l’ensemble mégalithique le mieux conservé sous nos latitudes. Les Celtes – et donc notre ami Obélix – n’arriveront que bien plus tard.
Aurez-vous la chance de vous retrouver devant ces monuments un matin où votre rencontre n’aura d’autre témoin qu’un rapace flemmard survolant son territoire ? C’est tout le mal que l’on peut vous souhaiter, tant il est vrai que ce genre de lieu ne livre pleinement sa richesse qu’en de telles circonstances. Car si les secrets des peuples disparaissent avec eux – quoi qu’en disent leurs “ héritiers „ plus ou moins sincères – l’onde qui parcourt l’Univers, elle, nous parle de la même manière des mêmes choses essentielles.
LES ALLÉES COUVERTES, OU “ DOLMENS „
Ainsi est-il frappant de constater qu’une même symbolique vient à l’esprit de nombreux visiteurs interpellés par la tranquille majesté des allées couvertes : celle d’une femme couchée, et, partant, de la Terre-Mère. Le fait n’est pas anodin même si, d’un point de vue scientifique, il ne relève que de l’hypothèse.
Car au bout du compte, on ne sait que bien peu de choses de l’intention qui présida à l’érection de ces monuments, fort probablement enterrés à l’origine. Tout au plus y a-t-on découvert quelques objets d’époques successives, et des ossements humains établissant qu’ils ont servi de tombes. Et même si l’on peut supposer que les premiers “ archéologues „ qui ont fouillé les lieux au dix-neuvième siècle ne sont pas repartis les mains vides, force est de constater que l’énigme subsiste.
Le terme “ dolmen „ lui-même n’apparaîtra qu’au dix-huitième siècle, issu du cornique (gaélique de Cornouailles) tolmen* “ table de pierre „, devenu dolmin – puis dolmen – par le biais de transcriptions inexactes et désormais entérinées.
Ceux de Wéris (“ Allée couverte Nord „ ou “ Wéris I „) et d’Oppagne (“ Allée couverte Sud „ ou “ Wéris II „) sont composées d’une chambre-couloir précédée d’une antichambre très courte avec, entre les deux, une cloison. Dans les deux cas, la position de la dalle située derrière l’allée suggère une fonction plus symbolique que pratique : elle(s) constituerai(en)t alors la “ tête „ de la “ femme couchée „ représentée par le monument.
MENHIRS ET ALIGNEMENTS
Pas de problème, par contre, quant à l’étymologie du mot “ menhir „. Celui-ci a été emprunté au breton par contraction de men “ pierre „ et hir “ long „ et a été introduit en 1798 par Legrand d’Aussy, en pleine vogue de la mythologie celtique.
Des Celtes auxquels, là non plus, ils ne doivent pas grand-chose puisque c’est au néolithique qu’ils ont été érigés. De formes et de tailles variées, ces pierres sont isolées, associées à des sépultures, ou constituent des alignements ou “cromlechs„.
Le champ mégalithique de Wéris comprend, à l’heure actuelle, 27 menhirs avérés dont trois à Oppagne, un à Morville, un à la Tour-Heyd, un à Ozo, trois au moins près du dolmen de Wéris et quatre près du dolmen d’Oppagne. Deux des menhirs du Champ de la Longue Pierre ont été déposés derrière le dolmen de Wéris et un, dit “ menhir Danthine „ du nom de l’archéologue qui l’a découvert en 1947, a été déplacé le long de la grand-route Barvaux-Érezée.
Avec les dolmens, ils constituent une série de lignes parallèles orientées N-N-E et S-S-O. Cette orientation particulière semble n’avoir d’autre signification qu’une volonté de suivre l’axe de la Calestienne, dont le relief relativement plat devait permettre aux monuments d’être visibles d’un bout à l’autre.
Le chercheur François Hubert et ses équipiers, prenant en compte l’aiguille rocheuse de la Pierre Haina, relève toutefois que celle-ci se dresse exactement à l’est du dolmen de Wéris, ce qui correspond à une orientation équinoxiale du coucher de soleil en mars et septembre. Par ailleurs, si l’on se place dans l’alignement des trois menhirs d’Oppagne au solstice d’hiver, on verra le soleil se lever derrière cette même Pierre Haina. Est-ce un hasard, ou un calendrier permettant aux agriculteurs de l’époque d’avoir des repères temporels ?
D’autres faits éveillent la curiosité. Ainsi l’angle formé par le Nord géographique et l’axe des alignements constitue-t-il une déclinaison de 33°. Soit une orientation repérée sur de nombreux sites mégalithiques des îles britanniques. Nouveau hasard ? Ou bien cette orientation, qui n’est ni lunaire, ni solaire, correspond-t-elle à un phénomène astronomique aujourd’hui disparu ?
LE DIABLE DANS LE POUDINGUE ?
D’autres, à l’instar de Saint-Hilaire (“ L’Ardenne Mystérieuse „), vont plus loin. Mais généralement dans un joyeux mélange de pierres naturelles et de pierres levées amalgamées pour parvenir à leurs fins.
Reste à faire appel au Diable ? Les chrétiens – comme d’ab’ – ne s’en sont pas privés. Ainsi le poudingue, à Wéris ou ailleurs, eut-il longtemps mauvaise réputation.
Curieuse “ pierre „ en effet que ce béton naturel composé de galets roulés de grès, de quartzite et de silex, enrobés dans un liant gréseux très fin. Et puisque, de nos jours, certains brins de zingue persistent à voir voient dans les fossiles autant d’inventions du “ laid Vautrin „ pour tromper les hommes, comment en vouloir à nos anciens ? Lesquels ne pouvaient savoir que la formation de cet amalgame particulier remonte à environ 390 millions d’années, lorsque l’on trouvait là un littoral marin de sable et de galets.
Le poudingue affleure en blocs naturels sur la crête qui domine Wéris à l’est, et ce sont des éléments de ces bancs qui, après avoir glissé par solifluxion sur le versant, ont fourni des blocs pratiquement prêts à l’emploi composant les monuments.
Restait à les amener sur place, ce qui, eu égard aux dimensions relativement modestes des pierres, a été possible par traction en utilisant des agencements de troncs d’arbres. Pas de lévitation, ici ? Ben non…
Et le poudingue fut longtemps exploité. Notamment au lieu dit “ La carrière „, dont partaient jadis des attelages de dix à quatorze chevaux amenant d’énormes blocs à la gare de Barvaux, d’où ils étaient descendus vers Liège ou la Lorraine pour y constituer les soles des hauts-fourneaux et des fours de la métallurgie. Une fête locale commémore cette industrie, chaque année.
N’empêche… et le Diable, dans tout ça ? Ne l’appelons pas trop : le Pèlerin MédiArdenne n’ignore pas qu’il a des oreilles et des yeux partout. Nous rendrons toutefois bientôt une visite à l’un de ses lits.
Ecrit par :Patrick Germain 19-08-2008
Note :
*Ni le Robert, ni le Littré, ne retiennent l’hypothèse d’un mot formé par la contraction de deux mots bretons : “ La composition normale en breton aurait dû donner taolvean, tolven „, nous dit le Robert historique de la langue française.
Un conseil en passant, celui d’éviter le site les jours de solstice etc. : il s’y trouve décidément beaucoup trop de monde…
Source :
• Source principale : “ Wéris, capitale belge des mégalithes „ – Cercle historique “ Terre de Durbuy „ asbl – 2005 disponible dans le petit musée local.
Où est Wéris
Wéris
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