Les arbres et leurs feuilles en automne

Photo : Phil Govaerts

Les arbres et leurs feuilles en automne

5 Oct, 25 | En forêt, nature

Photo : Phil Govaerts

  Dès la fin du mois de septembre, la transition automnale se fait de plus en plus perceptible, les jours ont déjà bien raccourci, la température a bien baissé, les premières feuilles commencent à jaunir au sommet des arbres. La saison que beaucoup de photographes adorent va commencer. Bientôt, leurs clichés seront saturés de couleurs jaunes, oranges, rouges, brunes.

 

Les feuilles changent de couleur et puis tombent, pourquoi ?

Avez-vous remarqué, l’automne est une saison de chutes ; chute des feuilles évidemment, chute de la température et chute de la luminosité avec des jours plus courts ?
C’est la rotation des saisons sous nos latitudes, rien d’anormal là-dedans. Les êtres vivants s’y sont adaptés depuis longtemps. Les arbres, comme les grenouilles, les couleuvres, les ours, les marmottes ou les coureurs cyclistes vont se préparer à entrer en hibernation. Pour les végétaux, on parlera d’une mise en dormance.

C’est la baisse de luminosité et de la température qui donne le signal.

La couleur des feuilles va changer progressivement. Le vert du feuillage activé par les pigments chlorophylliens va s’estomper pour rendre visibles d’autres pigments présents dans la feuille. La chlorophylle va se dégrader progressivement, les caroténoïdes et d’autres pigments vont occuper pleinement l’espace.

La chute suivra de peu. Tant qu’elles nous offrent de belles couleurs lumineuses, les feuilles vivent toujours. Mais cela ne va pas durer, à la base du pétiole (la tige qui relie la feuille à la branche), un bouchon de liège va se former. Il va empêcher la sève de gagner la feuille, elle va se dessécher, mourir et tomber sous l’effet du vent. Certaines feuilles s’accrochent plus que d’autres, c’est le cas des feuilles de hêtre qui, bien que sèches, restent sur l’arbre jusqu’à ce qu’elles soient chassées par les pousses de printemps ; c’est la « marcescence ».

L’arbre sera prêt à se reposer jusqu’à la pousse de nouveaux bourgeons au printemps.

Sous l’action de milliards de micro-organismes, la litière de feuilles tombées au sol se dégradera plus ou moins vite selon l’espèce d’arbre qui portait les feuilles et enrichira le sol forestier en humus.

 

 

Roncier en automne

À chacun ses goûts, la ronce préfère passer au rouge en automne.

 

chapelle automne 2022

Le charme quant à lui restera jaune et orange avant de se déplumer.

 

L’arbre entre en dormance, mais pourquoi ?

Que voilà une bonne question ! Il y a deux raisons principales qui ne sont en fait qu’une adaptation de l’arbre au milieu duquel il fait partie. Cela ne se passe pas de la même manière pour tous les arbres ni sous toutes les latitudes de la planète.

En ce qui nous concerne, nous sommes dans des forêts tempérées qui comptent des espèces caduques. C’est ainsi qu’on appelle les espèces qui perdent leurs feuilles, comme le chêne, le bouleau, le hêtre, etc.
Mais, vous avez bien entendu observé que tous les arbres ne se retrouvent pas tout nus en hiver. Les épicéas, les sapins restent verts. Si, si, j’ai bien vu que vous brûliez de faire la remarque. Et vous avez raison, la plupart des conifères sont des arbres à feuillage persistant. On y reviendra !

Plus on s’éloigne de l’équateur et plus on grimpe en altitude, plus il neige. Enfin, c’était le cas jusqu’à présent, on suppose qu’il neigera encore un peu même avec quelques degrés planétaires de plus.
Imaginez donc un chêne séculaire, avec une couronne magnifique et des branches secondaires qui s’étirent à près de dix mètres du tronc. Et tout cela couvert de feuilles qui accumulent la neige.

Crac ! Les branches cassent évidemment. Puis l’arbre déchiré meurt rapidement.
Il se protège en s’allégeant de ses feuilles, c’est bien trouvé.

C’est une première raison.

 

Feuillage de hêtre en début d'automne

On comprend pourquoi c’est la saison préférée des artistes !

 

 

Comment fonctionne l’arbre ?

Nous allons avoir besoin d’un peu de botanique pour comprendre la deuxième raison.
La chlorophylle, dont nous avons parlé un peu plus haut, joue un rôle indispensable. C’est elle qui est le moteur chimique de la photosynthèse en utilisant la lumière du soleil pour transformer le gaz carbonique (le CO2) et la sève brute puisée dans le sol en sève élaborée qui donne l’énergie à la plante.
Le gaz carbonique est capté par les stomates des feuilles, la sève brute composée d’eau et de minéraux (beaucoup, beaucoup d’eau) est pompée dans le sol par les racines et arrive dans les feuilles.
Les stomates sont des organes à double effet, ils laissent entrer le CO2, et ils laissent évaporer l’eau inutilisée par le processus, exactement comme les pores de la peau humaine. C’est pour cela qu’on dit que l’arbre respire.

Voilà donc les bases de la deuxième raison de la mise en dormance, l’eau monte des racines, redescend en partie sous forme de sève élaborée et le reste est exsudé par les stomates des feuilles. C’est un cycle.

Si, normalement, il neige comme on l’a dit plus haut, et bien, normalement, il gèle aussi. Et si le sol est bien gelé, l’eau ne sait plus monter jusqu’aux feuilles. Mais la fonction de respiration de l’arbre ne s’arrête pas aussi net, il continue à rejeter de la vapeur d’eau et risque alors d’épuiser ses réserves jusqu’à en mourir.

Les espèces végétales situées das les régions « à risque » de neige et de gel se sont donc adaptées au fil des millénaires et ont évolué vers des processus qui les protégeaient, c’est ainsi que les espèces caduques ont choisi de se défaire de leurs feuilles.

 

Ecorce éclatée par le gel

Il a gelé beaucoup trop fort et trop tôt pour cet arbre isolé. Gorgé d’eau, son bois pris par le froid a éclaté. C’est ce que les forestiers appellent une gélivure. Il y a déjà quelques années que c’est arrivé à en juger par le bourrelet de cicatrisation.

 

Quid des résineux ?

On y revient, vous aviez fait remarquer qu’ils ne perdent pas leurs feuilles et restent verts en hiver. C’est vrai.
Ils craignent moins la neige, ils n’ont pas la même forme que les feuillus, ils ont un profil beaucoup plus conique et dès lors, le poids de la neige est mieux réparti sur chacune des branches.

Vu leur forme, la surface totale qu’offrent les aiguilles au gel et à la neige est bien moindre que des grandes feuilles plates. Et vous aurez également remarqué que ces aiguilles sont beaucoup plus rigides que les feuilles, jusqu’à devenir de vraies épines piquantes chez certaines espèces. Elles sont recouvertes d’une forme de cire qui épaissit leur structure et limite l’évaporation en hiver.
Même en restant verts, faute de lumière et de chaleur, la croissance des arbres s’arrête pourtant en hiver.

 

Colline enneigée

Les épicéas ardennais peuvent s’accommoder d’une couche de neige, elle glissera facilement des aiguilles si le soleil brille un peu.

 

Ce serait trop simple s’il n’y avait pas d’exception

Dans nos régions, il existe pourtant un résineux (ou conifère) qui perd ses aiguilles : le mélèze.
C’est, à l’origine, un arbre de haute montagne, là où la saison hivernale est plus longue et plus rude qu’aux altitudes plus basses. Le mélèze s’est donc adapté en s’inspirant des feuillus et en perdant ses aiguilles. D’ailleurs, si on passe la main sur un rameau de mélèze, on se rend compte que ses aiguilles sont beaucoup plus douces, donc moins cireuses, que les autres conifères.

Les feuillus aussi ont leurs exceptions. Le houx et le lierre, fréquents dans nos forêts, portent des feuilles persistantes. Tentez l’expérience là aussi, palpez les feuilles, elles sont beaucoup plus épaisses et cireuses que tous les autres feuillus.

Ces dernières années, on remarque fréquemment que même au plus fort de l’été, les feuillages ont tendance à jaunir. C’est un mécanisme d’autoprotection que les arbres adoptent sur le même principe que l’arrêt de végétation automnal. L’eau du sol ne risque pas de geler au mois d’août, mais se raréfie sous l’effet de la sécheresse et des canicules récurrentes. Pour ne pas transpirer l’eau qu’il ne sait pas pomper, l’arbre met sa fonction chlorophyllienne en pause.

 

Mélèzes et lierre en automne

Un paradoxe, voici les aiguilles des mélèzes toutes jaunes qui vont bientôt tomber, tandis que le lierre qui s’accroche aux mélèzes reste vert.

Enfin, sous d’autres latitudes, où les saisons sont moins marquées, en région méditerranéenne et plus bas encore, des espèces se sont développées sans se soucier de la chute des feuilles. Le chêne vert et l’olivier, qui n’ont que très vaguement entendu parler de la neige et du gel, restent verts toute l’année.

Voilà, profitez bien des couleurs et laissez traîner vos bottes dans le tapis de feuilles, c’est si gai.

La photo d’entête est de Phil Govaerts – Phil Photography
https://www.facebook.com/PhilGVS

Texte : François Rion – Octobre 2025

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